Au cours de son histoire, l’Académie de médecine a décerné de nombreux prix, fondés le plus souvent à la suite des dispositions testamentaires de médecins fortunés ou de philanthropes. La Bibliothèque conserve une grande partie des mémoires ayant concouru à ces prix. Plusieurs billets vous inviteront, à travers l’exploration d’un prix dans son ensemble ou d’un mémoire particulier, à en découvrir toute la richesse et la diversité.
Le médecin général inspecteur Debénédetti
L’Académie de médecine s’est caractérisée, dès sa création, par sa pluridisciplinarité et, notamment, par la présence en son sein de médecins militaires. Parmi ces derniers, la figure de Raymond Debénédetti (1901-1969) est digne d’intérêt.
Médecin général inspecteur, il est directeur des services de santé de 1956 à 1962, commandant ainsi les services de santé des armées de Terre, Air et Mer, puis devenant le premier directeur central du Service de santé des armées – qui agrège le service de santé des Colonies aux autres services de santé – de 1962 jusqu’à sa retraite en 1963 (sur Raymond Debénédetti, cf. [CONTEMPORAINS 1963] et [LINON 2005]).
Lauréat du prix Larrey de l’Académie de médecine en 1943 [VAN WIJLAND 2022], il est élu membre correspondant national dans la IIIe division – hygiène et épidémiologie –, le 15 novembre 1955. C’est dans la séance du 25 novembre 1958 qu’il est élu membre titulaire dans la VIIe section (Médecine et Sciences sociales : membres libres), en remplacement de Frédéric Joliot, décédé, et dans celle du 20 janvier 1959 que l’Académie de médecine accuse réception de l’ampliation du décret approuvant son élection.
D’une épée au prix
A cette occasion, ses confrères du service de santé des armées constituent un comité chargé de recueillir une souscription destinée à offrir au médecin inspecteur général son épée d’académicien. C’est bientôt chose faite, et la remise de son épée, sculptée par le grand prix de Rome Marcel Renard (1893-1974), accompagne la cérémonie de réception qui se déroule au Val-de-Grâce le 28 janvier 1960. [REMISE DE L’ÉPÉE 1960]
Outre différents emblèmes ou symboles militaires (emblème des services de santé des armées, feuille de sauge du Corps vétérinaire, armes de Verdun, casoar), l’épée porte la représentation d’Hygie, adossée à un lyre qui évoque les talents de pianiste et compositeur de l’académicien.
Lors de la cérémonie, l’académicien de médecine et médecin colonel de réserve Julien Huber, remercie « le médecin général inspecteur Debénédetti qui a fondé, à l’Académie de médecine, un prix appelé à consacrer et à récompenser un travail clinique ou de recherche, œuvre d’un médecin militaire d’active ou de réserve et qui sera un témoignage durable de ce que notre pays doit au Corps de santé militaire. » [REVUE DES CORPS DE SANTÉ 1960 p. 428]
L’information est reprise par Louis Aublant dans son éloge consacré au médecin général inspecteur : « En 1960, il fonde à l’Académie de médecine, un prix destiné à consacrer et à récompenser un travail clinique ou de recherche, œuvre d’un médecin d’active ou de réserve, et qui sera un témoignage durable de ce que notre pays doit au Service de santé militaire. » [AUBLANT 1969, p. 427]
De fait, le coût de l’épée n’a pas épuisé la souscription et Raymond Debénédetti exprime le vœu que son reliquat soit affecté à la création d’un prix.
Agissant en qualité de président du Comité de souscription, le médecin général Charles Sully Émile Jaulmes, chef de la Section technique de recherches et d’études des Services de Santé des Armées, effectue une donation de 5000 nouveaux francs à l’Académie nationale de médecine, par acte notarié en date du 30 mai 1960. Le conseil d’administration tenu le 8 novembre 1960 accepte la donation, qui est entérinée à l’unanimité en comité secret lors de la séance du 17 janvier 1961. Il faut cependant attendre le 24 septembre 1963 pour que la donation soit autorisée par décret, ce délai expliquant que le prix n’ait été décerné qu’à compter de 1963 quand l’acte de donation prévoyait qu’il le fût dès 1962.
Conformément aux intentions exprimées par Raymond Debénédetti, le prix, baptisé « Prix des Services de Santé des Armées », doit être décerné tous les deux ans, avec partage autorisé, au meilleur travail original, inédit ou publié, sur un sujet ayant trait à l’un des aspects de la médecine des Armées, dont l’auteur sera un médecin, pharmacien, vétérinaire, dentiste, officier d’administration des Services de Santé ou du Corps Vétérinaire, d’active ou de réserve.
La dotation doit, comme souvent, être prélevée sur les intérêts. Le comparant, sans doute en accord avec Raymond Debénédetti, exprime également le souhait que la Commission d’attribution du prix comprenne des membres de l’Académie appartenant ou ayant appartenu au Corps de santé des Armées. Il est enfin prévu que le prix prenne, après le décès de son inspirateur, le nom de « Prix du Médecin général Inspecteur Raymond Debénédetti ».
Prétexte de l’élection et reliquat de la souscription ne doivent pas faire oublier que la création de ce prix survient dans le contexte de la guerre d’Algérie et de ses suites, et s’inscrit probablement dans une volonté, non seulement de mettre en valeur l’armée française hors de son cadre institutionnel mais également de participer à l’émulation scientifique de ses Corps de santé.
Les lauréats
En définitive, le prix n’est décerné, en tant que prix des services de santé des armées, qu’à trois reprises, en 1963, 1965 et 1967. Raymond Debénédetti décède le 24 janvier 1969 et le prix est aussitôt rebaptisé prix « Médecin général inspecteur Raymond Debénédetti ».
| Année | Lauréat | Titre |
| 1963 | Médecins capitaines Jacques Desplats, de Salon de Provence, et Bernard Poyeton, de Chambéry | Évacuation par voie aérienne des insuffisants respiratoires aigus |
| Médecin Capitaine Pierre Foulhoux, de Vert-le-Petit | Traitement par oxime des intoxications dues aux anticholestérasiques ; thérapeutique expérimentale et pharmacologie | |
| Médecin principal Roger Guillerm et M. René Badré, de Toulon | Les problèmes atmosphériques posés par les sous-marins à propulsion nucléaire | |
| Médecin commandant Jean Vigne, de Vanves | Incidences professionnelles et médico-légales des lombalgies en milieu militaire | |
| 1965 | Médecin colonel Pedoya, de Paris | Travaux sur l’alimentation dans l’Armée |
| 1967 | Médecin colonel Jean-Georges Bernard, de Paris | La pathologie des forces françaises en Afrique du Nord |
| 1969 | Médecin en chef de 2e classe Charles Hiltenbrand, du Val-de-Grâce | Travaux de cardiologie et de néphrologie |
| 1971 | Pharmacien Lieutenant-Colonel Michel Trellu, de Paris | Recherches sur l’action des substances analeptiques chez le rat. Etude particulière en hypothermie profonde |
| 1973 | Médecin Général de 1re Classe, Inspecteur du service de santé des armées, Henri Baylon, du Val-de-Grâce | Travaux de néphrologie |
| 1975 | Dr Pibarot, de Toulon-Naval | Rapport d’étude sur les conditions de travail du chantier « cales » |
| 1977 | Professeur Claude Giudicelli, de Paris | Travaux sur les affections rénales et spécialement sur les hémodialyses |
| 1983 | Docteur Jean Hainaut, de Sceaux | De la biologie des artériopathies à la détection biologique du risque vasculaire |
| 1985 | Docteurs Pierre Moutin, de Paris, et Guy Briole, de Châtenay-Malabry | Après la drogue ? Les devenirs des toxicomanes |
| 1987 | Médecin général Fernand Merle, de Paris | Un voyage au long cours |
La première année, le prix est partagé entre quatre travaux. Quoi qu’il soit difficile d’interpréter les décisions d’attribution des prix, en raison du faible nombre de travaux couronnés, il semble qu’elles traduisent, au moins dans un premier temps, la volonté du fondateur de refléter la pluralité des armées des services de santé desquelles il a la responsabilité.
Le travail de Jacques Desplats et Bernard Poyeton porte ainsi sur les activités du Centre de Transit Santé Air 847, installé en Algérie, ayant évacué en cinq ans, 132 cas d’insuffisance respiratoire dont 87 en 1960 et 1961 [Acad. Méd. Prix Services de santé des armées 1963 n° 6]. Les atteintes respiratoires provoquées par des poliomyélites antérieures aiguës (PAA), des polio-encéphalites, des méningoencéphalites, des traumas dus à des accidents de la route ou des piqûres de scorpions l’y disputent aux plaies de guerre proprement dites. Le travail de Roger Guillerm et René Badré porte, lui, sur la Marine, et les problèmes atmosphériques posés par les sous-marins à propulsion nucléaire [Acad. Méd. Prix Services de santé des armées 1963 n° 22]. Le travail couronné en 1967 n’a pas été retrouvé à ce jour.
Non primé, le travail présenté par le médecin colonel Charles Perolini, de l’Hôpital militaire n° 273 à Belfort, porte sur le véhicule du service de santé de l’avant et les formations sanitaires sur roues, et comporte de nombreuses photographies et une notice technique sur le camion à caisse extensible [Acad. Méd. Prix Services de santé des armées 1963 n° 8].
Jérôme van Wijland
Bibliographie :
[AUBLANT 1969] Louis Aublant, « Éloge de Raymond Debénédetti », Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 133e année, 3e série, tome 153, n° 26, séance du 21 octobre 1969, p. 422-430 ; 427)
[CONTEMPORAINS 1963] « Raymond Debenedetti », Nouveau dictionnaire national des contemporains, tome 2, Paris, Editions du Nouveau dictionnaire national des contemporains, 1963
[LINON 2005] Pierre-Jean Linon, « Le médecin général inspecteur Debenedetti et l’Algérie (1956-1961) », Histoire des sciences médicales, n° 39 (4), 2005, p. 397-410
[REMISE DE L’ÉPÉE 1960] Remise de l’Épée d’Académicien au médecin général inspecteur Debenedetti directeur des services de santé des armées Élu à l’Académie de Médecine le 28 Novembre 1958. S.l., s.n., s.d. [1960]
[REVUE DES CORPS DE SANTÉ 1960] « Remise de l’épée d’académicien au médecin général inspecteur Debenedetti, directeur des services de Santé des armées, élu à l’Académie de médecine, le 28 novembre 1958 », Revue des corps de santé des Armées Terre, Mer, Air et du Corps Vétérinaire, Tome I, n° 3, juin 1960, p. 427-429
[VAN WIJLAND 2022] Jérôme van Wijland, « Les prix de l’Académie – VI. Le prix Larrey (1896-1980) », Site de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine [en ligne]. Billet publié le 2 avril 2022. Disponible à l’adresse : http://bibliotheque.academie-medecine.fr/prix-larrey/
Lien vers l’inventaire :
Inventaire Calames du prix des Services de santé des Armées
Pour citer cet article :
Jérôme van Wijland, « Les prix de l’Académie – VIII. Le prix des services de santé des armées (1963-1987) », Site de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine [en ligne]. Billet publié le 9 février 2024. Disponible à l’adresse : http://bibliotheque.academie-medecine.fr/prix-ssa/.
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