Les prix de l’Académie – VI. Le prix baron Larrey (1896-1980)

Au cours de son histoire, l’Académie de médecine a décerné de nombreux prix, fondés le plus souvent à la suite des dispositions testamentaires de médecins fortunés ou de philanthropes. La Bibliothèque conserve une grande partie des mémoires ayant concouru à ces prix. Plusieurs billets vous inviteront, à travers l’exploration d’un prix dans son ensemble ou d’un mémoire particulier, à en découvrir toute la richesse et la diversité.

Une donation entre vifs
C’est de son vivant, le 22 janvier 1895, que le baron Hippolyte Larrey, ancien président du Conseil de santé des Armées, membre de l’Institut, membre et ancien président de l’Académie de médecine, grand officier de la Légion d’honneur, décide de faire don à l’Académie de médecine de « 500 francs de rente 3 % sur l’État français », afin que soit fondé, au moyen des arrérages, un prix annuel de cinq cents francs, intitulé « Prix du Baron Larrey », qui sera attribué à l’auteur du meilleur travail de « statistique médicale ». Hippolyte Larrey précise : « L’Académie aura la plus grande latitude, pour l’attribution de cette récompense et sera seule juge de cette attribution. Ce prix ne pourra être divisé que dans des cas exceptionnels. Dans le cas où, par exception, il ne pourrait être décerné, l’Académie serait autorisée à l’employer dans son intérêt. »
À cet acte notarié viennent s’ajouter un certificat de vie du baron Larrey fait devant son notaire le 29 janvier 1895, et une lettre du même notaire, en date du 31 janvier 1895, confirmant au secrétaire perpétuel la solvabilité du baron Larrey.
Ces trois documents permettent la prise du décret signé du président de la République Félix Faure et du ministre de l’Instruction publique et des beaux-arts Raymond Poincaré, daté du 1er avril 1895, qui autorise l’Académie de médecine à accepter la donation et à l’exécuter.
Avec ce prix, Hippolyte Larrey conforte sa postérité au sein de l’Académie et donne un témoignage supplémentaire de ses libéralités et de celles que sa légataire, Juliette Dodu, aura pour l’institution.

La valeur du prix, 500 francs, est rehaussée à 600 francs à compter de 1939 puis à 660 francs l’année suivante, enfin à 860 francs à compter de 1951, convertis en 8,60 nouveaux francs à partir de 1960. À compter de 1969, le prix ne donne droit qu’à une médaille. Après 1980, les prix dits de fondations sont regroupés par spécialités, et le prix Larrey est fondu, avec d’autres, dans le prix « médecine ».

Le prix et ses lauréats
Au total, le prix Larrey donne lieu à 166 récompenses, entre 1896 et 1980 : sont décernés 104 prix (qui sont parfois partagés entre plusieurs lauréats), 4 « récompenses », 13 mentions très honorables et 45 mentions honorables (dont l’une est accompagnée d’une somme d’argent).
Parmi les lauréats, 13 sont récompensés plusieurs fois : 9 le sont à deux reprises, 4 à trois reprises. Ainsi le médecin de la marine Ferdinand Burot (1849-1921) obtient-il une mention honorable en 1896, une récompense en 1897, enfin le prix en 1898.
Que la statistique médicale soit plus facile à conduire en milieu militaire, clos, ou que le nom du baron Larrey y joue son rôle, force est de constater que nombreux sont les mémoires soumis par des médecins ou des chirurgiens militaires, représentant, jusque vers 1922, environ la moitié des candidats couronnés. La population observée est alors aussi bien le 37e d’Infanterie à Nancy que le personnel civil de la Cartoucherie militaire de Vincennes. Quant au terrain d’observation, il recouvre les différentes catégories d’établissement militaire : hôpital Bégin, hôpital militaire de Vichy, garnison de Vincennes, Arsenal maritime de Brest.
Les statistiques démographiques sont de diverse nature : natalité, morbidité, mortalité, l’accent étant mis sur les données nosographiques et volontiers épidémiques. Toutes sortes de maladies y sont évoquées : diphtérie, tuberculose, pleurésie, fièvre typhoïde, appendicite, syphilis, paludisme, maladies des marins, morphinomanie, alcoolisme, ou encore des états, comme l’adolescence, les enfants du premier âge ou la gémellité. Chez le soldat, l’hygiène, l’aptitude physique au service militaire ou au contraire les mutilations volontaires, le recrutement, l’entraînement, le logement, fournissent la matière d’autant de mémoires.
Le prix Larrey est également le prétexte aux études en milieu rural, même si les mémoires sur les villes, véritables topographies médicales, prédominent : Agen, Barèges, Bordeaux, Orléans, Provins, Riom, Roubaix, Verdun. Les régions étudiées peuvent être plus ou moins vastes : la Brie ou l’île de Ré, la Touraine, la Bretagne, la Normandie, les Bouches-du-Rhône… L’empire colonial français et sa militarisation, parfois d’autres empire coloniaux (les Indes néerlandaises par exemple), fournissent aux médecins de nombreux lieux d’étude : Tunisie, Tchad, Algérie, Madagascar, Indochine. Hormis ces études géographiques ou celles se situant en terrain militaire, d’autres milieux d’observation existent, tel le paquebot.
Quant à la Première Guerre mondiale, terrain d’observation d’une ampleur jusque-là jamais vue, elle provoque de nombreux mémoires jusque dans les années 1930, par exemple :

  • Prix Larrey 1919 n° 1. Mercier, Raoul. Le Service de Santé Italien dans la Guerre Italo-Austro-Germanique (1915-1918). Dactylographié. 90 feuillets ; cartes, tableaux.
  • Prix Larrey 1920 n° 3. Billet, Henry. Statistique intégrale d’une ambulance chirurgicale automobile pendant la Bataille de Verdun (21 Février 1916-30 Décembre 1916). Manuscrit. 45 feuillets.
  • Prix Larrey 1935 n° 4. Bourguet (du). Les séquelles des plaies pénétrantes de l’abdomen. Étude critique basée sur l’étude de 573 observations de blessés de la guerre 1914-1918. Dactylographié. 75 feuillets.

Attention, il convient de bien distinguer l’inventaire publié dans Calames, qui restitue l’état des mémoires soumis au prix conservés dans les archives (sachant que les imprimés ont pour la plupart été versés à la Bibliothèque et doivent donc être recherchés dans le Sudoc), et le tableau des seuls lauréats.

 

Jérôme van Wijland

Pour citer cet article :
Jérôme van Wijland, « Les prix de l’Académie – VI. Le prix Larrey (1896-1980) », Site de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine [en ligne]. Billet publié le 2 avril 2022. Disponible à l’adresse : http://bibliotheque.academie-medecine.fr/prix-larrey/.

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