Étienne Pariset, de Tripoli à l’Islande

Nous publions aujourd’hui sur la plateforme Calames un ensemble de documents qui proviennent du premier secrétaire perpétuel de l’Académie de médecine, Étienne Pariset.

Étienne Pariset naît en 1770 à Grand, dans les Vosges, dans une famille pauvre de cloutiers. À six ans, il est envoyé à Nantes chez un oncle perruquier. Il se passionne pour la littérature, si bien que son oncle l’envoie faire ses études, à 18 ans, chez les Oratoriens. Pendant la Guerre de la première coalition, il prend part à la bataille de Valmy, dans les rangs de l’armée du Nord. Il est démobilisé en 1793, et revient à Nantes, où il occupe le poste d’aide-bibliothécaire. Une bourse d’étude à l’École de médecine lui est attribuée par le département de la Loire-Inférieure, mais la pauvreté le contraint à interrompre ses études. Il obtient en 1796 une place de précepteur pour les deux enfants de la famille Pourrat. Il épouse en 1802, la belle-mère de son ami et bienfaiteur l’homme politique Honoré Jean Riouffe, Elisabeth Yvon, avec qui il a une fille. La mort de ses élèves en 1804 le pousse à chercher un nouveau moyen de subsistance, et il reprend ses études. Il est reçu docteur en médecine en 1805, à 35 ans.

Étienne Pariset conserve toute sa vie un goût prononcé pour la littérature. Il fréquente le salon d’Auteuil, animé par Madame Helvétius, où il côtoie les grands médecins de son époque, tels Philippe Pinel ou Pierre Jean Georges Cabanis. Il se consacre aussi à l’enseignement, à partir de 1807, et donne notamment des leçons au Collège de France.

Sa carrière est traversée par l’étude des épidémies. Il décrit la fièvre jaune à Cadix en 1819, et observe le système des lazarets dans les Pyrénées. Il assiste aussi en 1821-1822 à une épidémie de fièvre jaune à Barcelone. À son retour en France, il est décoré de l’ordre de Saint-Michel pour son dévouement face à l’épidémie, et est nommé membre du conseil supérieur de la Santé et médecin chef à la Salpêtrière, en remplacement de Philippe Pinel. En 1828, il participe à une expédition en Égypte, qui vise à déterminer les causes de l’apparition de la peste. Il s’y lie d’amitié avec Champollion, et gagne le respect de Méhemet Ali, vice-roi d’Égypte, dont il guérit le fils d’une apoplexie, ce qui a pu avoir un effet favorable dans le transfert de l’obélisque de Louxor. Il quitte le Caire en 1829 afin d’observer l’épidémie de peste qui s’étend en Syrie. Sa carrière durant, il défend la théorie de la contagion comme modèle pour expliquer la propagation des épidémies. À sa mort, il n’a pas réussi à l’imposer.

Étienne Pariset mène aussi d’importants travaux en psychiatrie. Il est nommé médecin à l’hospice de Bicêtre en 1814 et y est chargé du service des aliénés en 1818. Il s’inscrit dans l’héritage de Pinel, et poursuit le travail d’allègement des conditions coercitives d’hospitalisation des malades mentaux. Il est également admis à l’Académie des Sciences en 1842, comme membre libre. Il crée en 1845 la Société Protectrice des Animaux.

Pariset est nommé membre de la section de médecine le 27 décembre 1820 mais s’y heurte à de vives critiques. En compétition avec Béclard pour la place de secrétaire annuel, il est battu en 1821 par 56 à 12 voix. Les membres lui reprochent son manque de culture scientifique, son attrait pour la littérature, et surtout, ses thèses sur la contagiosité. Il est finalement nommé secrétaire perpétuel de l’Académie de médecine par ordonnance royale le 3 décembre 1822. Il remplace Pierre Béclard, qui a assuré le poste de secrétaire temporaire en 1821 et 1822. Son discours d’inauguration est prononcé pendant la première séance publique, le 6 mai 1824. Il est tenu éloigné de l’Académie lors de son voyage de 1828-1830 en Afrique. Nicolas-Philibert Adelon le remplace comme secrétaire perpétuel pendant cette période. Étienne Pariset reprend cette place en 1831, et la conserve jusqu’à la fin de sa vie. Il s’illustre dans ce rôle de secrétaire par ses éloges. Ils sont compilés dans l’Histoire des membres de l’Académie royale de médecine, ou Recueil des éloges lus dans les séances publiques de l’Académie royale de médecine, publiée en 1850 et considérée comme l’un de ses plus importants ouvrages.

Le fonds Pariset, qui comporte trois parties, est principalement constitué de notes manuscrites, et de lettres adressées à Étienne Pariset.

La première partie est formée par les papiers relatifs à sa vie personnelle et mondaine. On y retrouve un bel aperçu des réseaux de sociabilité réunis autour d’Étienne Pariset. Certains correspondants sont prestigieux, comme le duc de Valmy, ou le baron de Férussac, encyclopédiste. D’autres sont plus humbles : Étienne Pariset reçoit des demandes de faveurs.

La deuxième partie est composée des manuscrits rédigés pour faire le compte-rendu de l’expédition organisée pour décrire la peste de Tripoli en 1829.

La troisième partie regroupe des documents qui traitent de l’Islande, dans la décennie 1830. Il semble que l’Académie ait été saisie pour donner son expertise médicale à l’expédition de la corvette La Recherche, en 1835 et 1836. Il est probable que Pariset ait envisagé un voyage en Islande, car il reçoit une lettre qui lui propose deux itinéraires pour sa visite. Nous pouvons lire les recommandations de Pariset pour un voyage en bateau dans les mers islandaises :

L’idée capitale et dominante est de défendre le plus possible le bâtiment, les effets, les hommes, contre le froid et l’humidité.
1. Bâtiment.
Il sera, s’il se peut, doublé de liège, dans une épaisseur de trois pouces. Au défaut de liège, il sera doublé partout de paillassons. Des poêles seront placés entre les ponts. Ils auront des tuyaux semi-cylindriques, qui distribueront partout la chaleur. Cette chaleur sera partout égale. Elle se réglera sur celle du poêle central. Le pont sera frotté chaque jour avec du sable chaud. À l’intérieur, on grattera les glaces que forment les vapeurs expirées. Ensuite, on frottera avec des linges secs et chauds. De cette façon, on fera disparaître la matière animale que les hommes exhalent par la respiration. On aura soin de renouveler l’air. Soit avec un ventilateur muni de la manivelle qui met en mouvement les palettes ; soit au moyen des manches à air, que l’on fait descendre partout. Le pont aura des ouvertures semblables à des yeux, qui seront fermées avec des verres épais et lenticulaires, lesquels étant reçus et retenus par des vis, peuvent être dévissés et revissés à volonté.

 

Ce texte est publié simultanément dans les Mémoires de l’Académie de médecine, en 1835, et dans la première livraison de l’ouvrage dirigé par Paul Gaymard, Voyage en Islande et au Groënland exécuté pendant les années 1835 et 1836 sur la corvette La Recherche. Il s’agit d’un rapport réalisé par Pierre François Keraudren, Léopold Joseph Renauldin, Adrien Jacques Delens, et Alexis Casimir Dupuy, dont Étienne Pariset est le rapporteur. Il contient les interrogations des académiciens sur divers sujets médicaux, puis leurs recommandations quant à la conduite du voyage. Ces documents sur l’Islande montrent que Pariset a préparé minutieusement ce voyage qu’il n’a très probablement pas pu faire, et permettent de considérer la figure du premier secrétaire perpétuel de l’Académie sous un autre jour. Présenté par ses biographes comme un grand panégyriste, parfois décrié pour sa réticence à examiner malades et mourants, ces notes montrent le soin et le sens pratique d’Étienne Pariset.

La Bibliothèque conserve un nombre conséquent d’autres documents relatifs à Pariset, du fait de son importance dans les premières années d’activité de l’Académie de médecine. Il est également représenté par deux bustes réalisés par Raymond Gayrard, un marbre et un bronze, ainsi que par un médaillon signé David d’Angers.

Raphaëlle Dreyfus

 

Bibliographie indicative :

Jérôme van Wijland (dir.), Jérôme Farigoule (collab.), Dominique Lobstein (collab.), Académie nationale de médecine. Catalogue des peintures et des sculptures, Gand, éditions Snoeck, 2020.

Étienne Pariset, Histoire des membres de l’Académie royale de médecine, ou, Recueil des éloges lus dans les séances publiques, Paris, J.-B. Baillière, 1850.

Jean-Baptiste Bousquet, Joseph Réveillé-Parise, « Discours prononcé sur la tombe de Pariset », Bulletin de l’Académie royale de Médecine, t. 12, séance du 13 juillet 1847, p. 877-885.

Fréderic Dubois [dit Dubois d’Amiens], « Éloge de E. Pariset », Mémoires de l’Académie royale de médecine, t. 13, 1847, p. XLIII-LXX.

Pierre François Keraudren, Léopold Joseph Renauldin, Adrien Jacques Delens, Alexis Casimir Dupuy, Étienne Pariset, rapporteur, « Instructions données par l’Académie royale de médecine à M. Gaymard, l’un de ses correspondant, chirurgien de l’expédition envoyée par le gouvernement dans les mers du Nord, à la recherche de la corvette La Lilloise », Mémoires de l’Académie royale de médecine, t. 4, 1835, p. 61-92.

Paul Gaimard (dir.), Voyage en Islande et au Groënland exécuté pendant les années 1835 et 1836 sur la corvette La Recherche commandée par M. Tréhouart Lieutenant de Vaisseau dans le but de découvrir les traces de La Lilloise, Paris, Arthus Bertrand éditeur, 1838-1852, 8 vol.

 

Pour citer ce billet :

Raphaëlle Dreyfus, « Étienne Pariset, de Tripoli à l’Islande », Site de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine [en ligne]. Billet publié le 30 septembre 2022. Disponible à l’adresse : https://bibliotheque.academie-medecine.fr/pariset-islande/.

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