La beauté de la raison

Au cœur des Alpes carniques, dans le Frioul-Vénétie Julienne, non loin d’Udine et plus près encore de Tolmezzo, se trouve la petite ville d’Illegio – Dieç en frioulan – où, presque chaque année depuis vingt ans environ, sont organisées des expositions d’art.

Le commissaire en est Alessio Geretti, directeur du Comitato di San Floriano di Illegio : prêtre formé à la théologie dogmatique et au droit canonique, il dirige l’office diocésain pour l’initiation chrétienne et la catéchèse, est délégué épiscopal pour la culture et responsable de la pastorale sociopolitique de l’Archidiocèse d’Udine. Il enseigne l’art et l’iconographie chrétienne à l’Institut supérieur des sciences religieuses d’Udine.

Pour cette 18e exposition, sont présentées une sélection de quarante peintures illustrant la « beauté de la raison », datant du XIVe jusqu’au premier XXe siècle, et provenant des musées de différents pays : l’Italie naturellement (Brescia, Florence, Lucques, Milan, Rome, Sienne, Trieste, Turin, Udine, Venise et Vérone), mais aussi l’Autriche (Vienne), la Croatie (Zagreb) et la France (Amiens, Besançon, Caen, Clermont-Ferrand, Courbevoie, Montauban, Mulhouse, Paris, Rouen, Saint-Lô, Vizille).

Si l’homme cherche à comprendre pourquoi il est au monde, par l’exercice de la raison et la recherche de la vérité, le propos, catholique, de l’exposition est aussi de montrer les limites de la raison face au caractère mystérieux de la vie et d’ouvrir à la transcendance et à la possibilité de Dieu. Plus qu’un exercice menant au doute méthodique, au scepticisme ou à l’agnosticisme, la raison doit être vue, selon le commissaire de l’exposition, comme l’expression d’une intentionnalité transcendante qui doit provoquer stupeur, devant les merveilles de l’être et la complexité de l’univers, et humilité, devant le fait qu’à l’origine de toutes choses est une intelligence supérieure à la nôtre.

L’exposition propose un parcours en sept étapes. La première, intitulée « La perte de la lumière de la raison », est illustrée de peintures représentant la perte de la raison à travers bacchanales, folies d’amour, colère d’Achille, etc. L’absinthe, tableau de 1909 aussi connu sous le titre L’alcool rend fou, de Philippe Ernest Zacharie, conservé au musée des Beaux-Arts de Rouen (inv. 1917.6.2), illustre ainsi la folie alcoolique.

La deuxième étape, « L’intelligence philosophique », présente des portraits d’Archimède, de Diogène, de Leucippe ou encore des figures archétypales de penseur ou de philosophe. On y trouvera ainsi Le Penseur ou Faune en méditation de Jacob Jordaens, conservé au musée Ingres de Montauban (inv. MI.881.8).

La troisième étape, consacrée à « l’intelligence scientifique », présente notamment La leçon de Claude Bernard, œuvre de Léon Lhermitte, conservée à l’Académie nationale de médecine, et que nous avons l’honneur de prêter pour cette occasion. Conçue en 1889 comme peinture décorative pour la nouvelle Sorbonne, le tableau célèbre la science expérimentale de Claude Bernard, incarnation de la rationalité scientifique, tout en livrant une nouvelle vision de la Science : fondée sur l’expérience et la méthode hypothético-déductive, recourant à la technique instrumentale comme à l’essai sur le vivant, elle est aussi le fruit à la fois de l’enseignement du maître et d’une recherche désormais collective.

« L’intelligence fantastique », quatrième étape du parcours, recouvre l’imagination fertile de l’enfant joueur. On en retiendra notamment le Petit Nemrod de James Tissot, vers 1882, aujourd’hui au musée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon (inv. 906.7.1).

La cinquième étape, « La liberté de penser » est représentée tant par des allégories de l’opinion politique ou de la divergence d’opinions, que par les figures célèbres d’Archimède, du stoïcien Caton d’Utique ou du révolutionnaire Marat.

Conformément au but de l’exposition, le débat entre « La raison et la foi » anime la sixième étape, avec pas moins de trois représentations de saint Jérôme, tel un Saint Jérôme lisant attribué à Hendrick van Somer, daté de 1650, conservé au musée de Picardie à Amiens (inv. M.P.4010).

« Les tâches de la raison », septième et ultime étape de l’exposition, conjuguent la recherche de la vérité, à travers les figures de l’astronome ou l’allégorie de la Vérité, et le caractère inépuisable du mystère de la foi, illustré par la légende médiévale de saint Augustin rencontrant un enfant occupé à transvaser la totalité de l’eau de la mer dans un coquillage.

Jérôme van Wijland

 

Informations pratiques :

Exposition « La bellezza della ragione », Illegio, Casa delle Esposizioni, 5 mai – 16 octobre 2022.

 

Références bibliographiques :

Alessio Geretti (a cura di), La bellezza della ragione, Udine, Illegio, 2022.

 

Pour citer ce billet :

Jérôme van Wijland, « La beauté de la raison », Site de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine [en ligne]. Billet publié le 2 septembre 2022. Disponible à l’adresse : https://bibliotheque.academie-medecine.fr/illegio-beaute-de-la-raison.

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