Nous publions aujourd’hui dans le catalogue Calames l’inventaire du fonds de Joseph François Malgaigne, auteur, tout au long d’une carrière médicale couronnée de succès, de travaux en histoire de la médecine.
Né à Charmes, dans les Vosges, Joseph François Malgaigne (1806-1865) est issu d’une famille de chirurgiens mosellans. Muni de son diplôme d’officier de santé comme son père et son grand-père, il choisit de quitter Nancy pour poursuivre son cursus à Paris. Il entre au Val-de-Grâce en 1828, mais refuse son affectation dans l’armée. Il rejoint alors une ambulance pour soutenir le soulèvement polonais contre Nicolas Ier. Il rentre à Paris, et soutient sa thèse en mars 1831, sous la présidence de Mathieu Orfila. Il obtient l’agrégation en 1835, puis en 1850 la chaire de médecine opératoire de la Faculté de médecine de Paris. Il publie en 1834 un Manuel de médecine opératoire, fondée sur l’anatomie normale et l’anatomie pathologique, qui connaît un large succès. Ses qualités d’enseignant marquent les mémoires de ses élèves, parmi lesquels il compte Paul Broca, Alexandre Guéniot, et Sigismond Jaccoud. Ce dernier prononce son éloge à l’Académie de médecine en 1903 ; quant à Alexandre Guéniot, il rédige ses Souvenirs anecdotiques et médicaux dans lesquels Malgaigne apparaît comme un professeur juste et attentif. Malgaigne compte aussi comme élève son gendre, Léon Le Fort, futur professeur à la Faculté et académicien, dont une des filles épouse Félix Lejars, lui aussi professeur à la Faculté et académicien.
Malgaigne entretient également une activité de journaliste. Il rédige régulièrement des chroniques pour la Gazette médicale de Paris. En 1842, il devient rédacteur du Journal de chirurgie, qui devient en 1847 la Revue médico-chirurgicale, où Malgaigne conserve son poste de rédacteur jusqu’en 1855. Cette carrière de publiciste lui permet de soutenir des avis tranchés. Il s’oppose à certains de ses contemporains, et fait l’objet en 1844 d’un procès en diffamation intenté par Pierre Nicolas Gerdy, comme lui médecin et homme politique, s’illustrant en assurant lui-même sa défense.
Malgaigne remporte le procès, et porte le sujet de son opposition avec Gerdy, la myotomie en orthopédie, devant l’Académie de médecine. L’Académie tranche en la faveur de Malgaigne, et fait publier son mémoire « De la valeur réelle de l’orthopédie, et spécialement de la ténotomie rachidienne, dans le traitement des déviations latérales de l’épine » dans le Bulletin de l’Académie de médecine, à la séance du 19 novembre 1844. Malgaigne est finalement admis à l’Académie en juin 1846, au terme de cinq tentatives depuis 1837. Il est élu face à César Robert et devient un contributeur actif du Bulletin. Rapporteur de la commission de l’Académie sur l’utilisation du chloroforme en médecine, il donne un avis très favorable sur le procédé. Il obtient la présidence de l’Académie de médecine pour 1865, et décède en octobre, durant son mandat.
Le fonds Malgaigne offre en outre des aperçus vivants sur la vie universitaire de l’époque, comme en témoigne une conversation transcrite par Malgaigne au sortir de l’Académie.
Mais dans une leçon qui avait pour sujet des plaies de tête, mon diable de Velpeau se met à patauger ; il patauge, il patauge ; de sorte que n’y pouvant tenir, je me tourne du côté d’Orfila, mon voisin, et je dis : Dieu ! que Velpeau est mauvais aujourd’hui ! Orfila, qui soutenait Velpeau à cause de P. Dubois, me regarde d’un œil, et me dit : Vous êtes un homme injuste ! Oh ! à ce mot je me sentais en colère. Un homme injuste ! moi, qui ai toujours cherché l’équité, la droiture, et m’entendre surtout adresser ce reproche par un homme qui n’entend rien à la question traitée par le candidat ! Je fus un peu vengé au sortir même de la séance ; car Marjolin et les autres dirent en rentrant dans la salle du Conseil : Quelle méchante leçon ! Et comme président, je me crus même obligé de leur dire : Messieurs, il n’est pas convenable de s’exprimer ainsi sur les candidats.
Finalement, le reproche me pesait sur le cœur ; et malgré l’intérêt que j’y avais, notez bien ! Je ne me souciais plus de nommer Velpeau. Quant à ce pauvre Blandin, il avait été si mauvais, si mauvais, qu’il n’y avait pas moyen d’y songer. M. Gerdy avait bien fait, mais personne ne poussait M. Gerdy.
Malgaigne a manifesté tout au long de sa carrière le plus grand intérêt pour l’histoire de la médecine. Dès sa thèse de 1831, Paradoxe de médecine théorique et pratique, il milite pour que cette discipline soit mieux enseignée. Il ouvre en 1842 à l’École pratique un cours portant sur « l’Histoire de la philosophie, de la chirurgie ». Il consacre à l’histoire de la médecine de nombreux travaux, dont le plus important est son édition des œuvres d’Ambroise Paré, parue en 1841. Des documents relatifs à ces recherches en histoire de la médecine constituent la plus grande partie du fonds Malgaigne.
Le fonds Malgaigne est classé en deux grands ensembles.
La première partie est composée de notes de lectures, alimentant les différentes publications de Malgaigne en histoire de la médecine. Elle fait l’objet d’un classement chronologique des temps bibliques à l’Époque moderne.
La deuxième partie, portant sur la vie professionnelle de Malgaigne, est divisée en trois sections. La première rassemble des documents sur les hernies. Elle comprend divers documents : des observations de patients de la main de Malgaigne et de ses élèves, comptes-rendus de dissections et d’expériences, et études statistiques. Un deuxième ensemble réunit des documents de nature similaire portant sur d’autres pathologies. Malgaigne s’intéresse particulièrement aux maladies gynécologiques et aux maladies des articulations. Enfin, le dernier ensemble comporte des documents traitant de la vie professionnelle de Malgaigne, de ses rapports avec ses contemporains, et de son activité à l’Académie.
Deux œuvres d’art représentant Malgaigne sont présentes à l’Académie. La première est un buste de bronze, réalisé par Gustave Crauk, don de sa veuve à l’Académie en 1866. L’Académie détient également un portrait peint de Malgaigne attribué à Louis Matout, donné par Jeanne Le Fort, petite-fille de Malgaigne. Malgaigne y est représenté en habit d’académicien, portant sa Légion d’honneur et sa croix du mérite militaire de Pologne. Malgaigne est aussi l’auteur de manuscrits et d’ouvrages détenus par la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, donnés par les familles Le Fort et Lejars.
Raphaëlle Dreyfus
Sélection bibliographique :
Dominique Lobstein, « Malgaigne, Joseph François », dans Jérôme van Wijland (dir.), Académie nationale de médecine. Catalogue des peintures et des sculptures, Gand, éditions Snoeck, 2020, p. 290-293.
Joseph François Malgaigne, Manuel de médecine opératoire fondé sur l’anatomie et l’anatomie pathologique, Paris, Germer-Baillière, 1834.
Alexandre Guéniot, Souvenirs anecdotiques et médicaux (1856-1871), Paris, Librairie J. B. Baillière et fils, 1927, p. 41, 77, 120.
Sigismond Jaccoud, « Éloge prononcé à l’Académie de médecine dans la séance annuelle du 15 décembre 1903 », Mémoires de l’Académie de médecine, tome 40, 1906, p. 73-101.
Pour citer cet article :
Raphaëlle Dreyfus, « Les archives de Joseph François Malgaigne (1806-1865), professeur et académicien », Site de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine [en ligne]. Billet publié le 27 mai 2022. Disponible à l’adresse : https://bibliotheque.academie-medecine.fr/malgaigne.