Au cours de son histoire, l’Académie de médecine a décerné de nombreux prix, fondés le plus souvent à la suite des dispositions testamentaires de médecins fortunés ou de philanthropes. La Bibliothèque conserve une grande partie des mémoires ayant concouru à ces prix. Plusieurs billets vous inviteront, à travers l’exploration d’un prix dans son ensemble ou d’un mémoire particulier, à en découvrir toute la richesse et la diversité.
Après le prix Larrey, publié au mois d’avril dans le catalogue Calames, c’est au tour de 14 prix de l’Académie de médecine de faire l’objet d’une publication, portant à 144 le nombre de prix inventoriés et rendus publics. À eux quatorze, ils représentent plus de 2100 nouvelles références (composants Calames).
Plutôt que d’examiner dans le détail la genèse et l’histoire d’un prix particulier, il nous a paru intéressant de les comparer les uns aux autres, afin d’en dégager les particularités, les dissemblances, ou au contraire les points communs.
L’anonymat peut être facultatif ou obligatoire. Le partage du prix peut être autorisé ou interdit. La périodicité du prix est également une variable importante, dépendant souvent de la somme d’argent léguée pour le prix. Quand les prix Laborie ou Tarnier sont annuels, le prix Saintour est biennal, le prix Testut est triennal et le prix Tremblay, quant à lui, quinquennal.
La renommée d’un prix est souvent dépendante de sa longévité et, surtout, du nombre de sessions d’attribution qu’il a connues. Celui-ci est très variable. Ainsi le prix Laborie fait l’objet de 71 sessions d’attribution, réparties sur 93 années, de 1889 à 1981. En revanche, le prix Otterbourg a vu 4 sessions d’attribution sur une période de 37 ans, de 1929 à 1965.
Dotés entre 3000 et 10000 francs à leur création, certains prix ont même vu leur dotation croître, tel le prix Tremblay, fixé à 18000 francs en 1954. Le prix Roussilhe, quant à lui, d’une valeur originelle de 10000 francs, s’est trouvé subdivisé, en 1939, en deux prix d’une valeur semblable, de dermatologie et de vénéréologie, puis en 1945, en trois prix d’une valeur semblable, de dermatologie, de vénéréologie et de dermato-vénéréologie coloniale (plus tard renommé de dermato-vénéréologie tropicale), enfin en 1958, en quatre prix, un prix de dermatologie expérimentale venant s’ajouter aux trois autres. Les années 1970 sont fatales à l’ensemble de ces prix, une simple médaille se substituant parfois à la valeur monétaire, avant qu’ils ne soient clos ou fondus dans d’autres fondations, aucun de ces prix ne survivant à 1981. Il est à noter que le processus de mise en place d’un prix peut se révéler long. Par exemple, bien que le legs de 30000 francs fait par le docteur Le Piez (1844-1911) ait été accepté dès 1913, la réserve d’usufruit en faveur de sa veuve Marie Crabié explique que le prix ne soit décerné qu’à compter de 1927. De même, le prix Otterbourg, fondé par testament par le docteur Salomon-Jonas Otterbourg (1806-1883), et quoique sa veuve Thérèse Cohen, usufruitière, soit décédée en 1909, ne fait l’objet d’un décret qu’en 1921 et n’est décerné pour la première fois qu’en 1929 ! En revanche, si le docteur Pierre-Charles-Alexandre Louis est bien décédé en 1872, le prix est fondé par sa veuve Zoé Jacqueline du Vidal de Montferrier, qui décède en 1880 ; le décret est pris en 1883 et le prix décerné dès 1886.
Les horizons socio-professionnels des donateurs ou testateurs sont globalement uniformes, leur aisance sinon leur fortune constituant d’évidence un socle commun, tout comme l’exercice fréquent de la profession médicale. Sept d’entre eux ont été académiciens : Léon Labbé, Pierre-Charles-Alexandre Louis, Pierre Henri Martel, Gustave Ollive, Albert Robin, Stéphane Tarnier et Léon Testut. Leurs statuts n’étaient pas nécessairement équivalents, certains ayant été membres titulaires voire présidents, comme Pierre Henri Martel, président en 1937 ou Stéphane Tarnier, président en 1891, d’autres étant demeurés membres correspondants, tel le médecin légiste nantais Gustave Ollive (1854-1943).
Quatre étaient docteurs en médecine sans avoir été académiciens : Édouard Laborie, Marie Bernardin Pierre Aristide Le Piez, Salomon-Jonas Otterbourg et Joseph Saintour. Le docteur Le Piez par exemple, était ancien interne des hôpitaux de Paris et exerçait la médecine en ville, à Biarritz. Édouard Laborie, quant à lui, était médecin-chef de l’asile de Vincennes destiné aux ouvriers convalescents, et avait présidé la Société de chirurgie de Paris.
Trois, enfin, semblent ne pas avoir exercé de profession médicale : Georges Merzbach, Roussilhe et Louis Tremblay. Louis Tremblay est qualifié de propriétaire, résidant entre Auteuil et la rue La Boétie à Paris. M. Roussilhe est notaire à Chaudesaigues (Cantal). Le prix Merzbach, enfin, provient d’une donation faite de leur vivant par les époux Georges Merzbach, banquier, et Alice Birdie Reitlinger.
Le succès d’un prix se mesure également à sa capacité à attirer de nombreux candidats, quoique la spécialisation plus ou moins grande des prix y joue son rôle. Quand les prix Labbé, Robin ou Testut n’ont jamais attiré plus de quatre candidatures en une année, le prix Le Piez en a suscité jusqu’à 11, Laborie jusqu’à 16 et le prix Saintour, jusqu’à 54 !
Évidemment, les attendus des prix sont primordiaux. Le sujet est parfois généraliste, tel le prix Le Piez qui récompense un sujet de médecine ou de chirurgie, ou le prix Ollive destiné à reconnaître ou faciliter le travail scientifique. Il est parfois très précis, comme le prix Martel, consacré aux travaux établissant la dangerosité à long terme des denrées alimentaires contenant des substances chimiques surajoutées, ou le prix Tremblay, qui récompense le meilleur mémoire traitant des maladies des voies urinaires, telles que le catarrhe de la vessie ou l’affection de la prostate.
Nom | Attendu | Décret d’acceptation du legs | Année de première attribution | Année de dernière attribution |
Prix Labbé | Toute personne de nationalité française ayant entrepris, dans les trois ans précédant le concours, des travaux susceptibles de faire progresser la chirurgie, de manière à lui permettre de continuer ses recherches | 13 novembre 1917 | 1923 | 1974 |
Prix Laborie | Auteur qui aura fait avancer notablement la science de la chirurgie | 2 avril 1888 | 1889 | 1981 |
Prix Le Piez | Meilleur mémoire sur un sujet de médecine ou de chirurgie | 25 avril 1913 | 1927 | 1979 |
Prix Louis | Question à poser sur l’action des agents thérapeutiques journellement employés | 1er mai 1883 | 1886 | 1973 |
Prix Martel, Henri | Auteur d’ouvrages inédits sur l’aliment pur et plus spécialement de recherches tendant à établir le danger à très longue échéance de l’usage de denrées alimentaires contenant des substances chimiques surajoutées | 2 janvier 1959 | 1961 | 1981 |
Prix Merzbach, Georges | Un travailleur ou un groupe de collaborateurs poursuivant des recherches sur la tuberculose. Présenter un exposé de recherches déjà faites et un programme de recherches à entreprendre | 31 juillet 1928 | 1930 | 1978 |
Prix Ollive, Gustave | Reconnaître ou faciliter le travail scientifique | 3 août 1943 | 1945 | 1980 |
Prix Otterbourg | Jeune confrère, lauréat de l’Académie, en vue de lui permettre de passer quelque temps dans un établissement d’instruction clinique de l’étranger | 10 août 1921 | 1929 | 1965 |
Prix Robin | Meilleur travail sur l’hydrologie paru dans l’année | 11 juillet 1929 | 1932 | 1981 |
Prix Roussilhe | Savant français ou étranger, voire non scientifique, qui par ses découvertes et ses travaux, fait progresser la science dermatologique dans le sens du soulagement ou de la guérison des maladies de la peau, et avant tout du psoriasis | 21 juin 1906 | 1914 | 1981 |
Prix Saintour | Meilleur travail, manuscrit ou imprimé, sur n’importe quelle branche de la médecine | 28 juillet 1889 | 1894 | 1978 |
Prix Tarnier | Alternativement chaque année au meilleur travail manuscrit ou imprimé, en français, relatif à l’obstétrique et à la gynécologie | 14 mars 1900 | 1902 | 1981 |
Prix Testut | Meilleur travail d’anatomie humaine ou comparée, écrit dans les cinq ans | 6 février 1927 | 1931 | 1979 |
Prix Tremblay | Meilleur mémoire traitant des maladies des voies urinaires, telles que catarrhe de la vessie, affection de la prostate ; plus particulièrement ces deux cas | 5 octobre 1888 | 1893 | 1968 |
Un seul de ces quatorze prix, le prix Louis, fait l’objet de questions spécifiques posées par l’Académie de médecine, entre 1886 et 1933 :
- Étude de l’action du mercure, du nitrate de potasse et de la digitale.
- Des médications antithermiques.
- De l’eau froide dans le traitement de la fièvre typhoïde.
- Étude comparée des iodures au point de vue thérapeutique.
- De la sérothérapie.
- Des médications thyroïdiennes.
- Sérothérapie de la fièvre typhoïde.
- La radiothérapie des néoplasmes.
- Des méthodes hémostatiques internes.
- Des relations existant entre les propriétés thérapeutiques des dérivés aromatiques de l’arsenic et leur constitution chimique.
- Médicaments sympathicotropes.
L’inventaire publié dans Calames est l’état des documents conservés actuellement dans les archives. Quelques manuscrits ont pu être distraits de l’ensemble pour être classés, de manière autonome, dans les manuscrits. Les monographies ont pu être versées dans les collections imprimées ; elles sont donc signalées dans le catalogue des imprimés (Sudoc). Dans ces deux derniers cas, la mention de candidature à l’un ou l’autre de ces prix est rarement précisée.
Jérôme van Wijland
Pour citer cet article :
Jérôme van Wijland, « Les prix de l’Académie – VII. Publication de 14 prix », Site de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine [en ligne]. Billet publié le 13 mai 2022. Disponible à l’adresse : http://bibliotheque.academie-medecine.fr/14-prix/.