« Le bal des folles », de Victoria Mas, prix Jean Bernard 2020

Décerné depuis 2003 par l’Académie nationale de médecine, le Prix Jean Bernard a été attribué en 2020 à Victoria Mas, pour son roman Le bal des folles (Albin Michel, 2019).

Le cadre est celui du Paris de 1885, et singulièrement les salles et jardins de la Salpêtrière. Une jeune femme,  internée pour avoir menacé la respectabilité de sa famille bourgeoise en communiquant avec les morts,  fait vaciller les certitudes d’une infirmière endurcie. Autour de ces deux protagonistes principales évoluent les neurologues Charcot et Babinski, Albert Londe, le photographe de Charcot, et une galerie d’ « aliénées » de la Salpêtrière imaginées par Victoria Mas, exhibées, victimes inaudibles de violences et d’une incompréhension qui les vouent à cet hospice qui devient souvent leur seul refuge possible.

Dans cet univers de domination brutale et d’arbitraire, le « bal des folles » offre la possibilité d’une évasion. Le « bal des folles », c’est la fête organisée depuis le milieu du XIXe siècle à la Salpêtrière, chaque année à la mi-Carême, une fête décrite par un journal de 1903 comme celle « où les gens sages font les fous » et où « les fous tâchent de se montrer raisonnables ». Les internées y trouvent « un petit rayon de clarté », tandis que les invités sont peu à peu déconcertés par « tout ce qu’il entre de mystère et d’horreur dans cette atmosphère paisible en apparence »  (Le Gaulois, dimanche 22 mars 1903, p. 1). De cet étrange événement,  Victoria Mas a tiré un roman qui lui a valu un grand succès auprès du public et de la critique.

Dans le vif éloge qu’il a adressé à Victoria Mas en lui remettant le prix Jean Bernard, le professeur Jacques Battin évoque la qualité d’écriture et le rythme de son livre. Mais, souligne-t-il encore, ce que le prix couronne cette année, c’est une quête pour la liberté qui est en même temps une célébration de la force de ces femmes, victimes et héroïnes.

Le bal des folles a obtenu le prix Renaudot des lycéens en 2019.

Les jurys du prix Jean Bernard ont récompensé successivement depuis 2003 :

– 2003 : Éric-Emmanuel Schmitt, Oscar et la dame rose, Paris, Albin Michel, 2002
– 2004 : Martin Winckler, Les trois médecins, Paris, P.O.L., 2004
– 2005 : Jean-Baptiste Gendarme, Jean-Baptiste, Chambre sous oxygène, Paris, Gallimard, 2005
– 2006 : Marie Didier, Dans la nuit de Bicêtre, Paris, Gallimard, 2006
– 2007 : Antoine Sénanque, La grande garde, Paris, Grasset, 2007
– 2008 : Claire Marin, Hors de moi, Paris, Éditions Allia, 2008
– 2009 : Emmanuel Carrère, D’autres vies que la mienne, Paris, P.O.L., 2009
– 2010 : Guillaume de Fonclare, Dans ma peau, Paris, Stock, 2009
– 2011 : Michel Rostain, Le fils, Paris, Oh ! éd., 2011
– 2012 : Sándor Márai, La sœur, Paris, Albin Michel, 2011
– 2013 : Yves Mabin Chennevière, Portrait de l’écrivain en déchet, Paris, Seuil, 2013
– 2014 : Marie Le Drian, Le Corps perdu de Suzanne Thover, Rennes, Apogée, 2013
– 2015 : Charles Lanot, Médecin de campagne, Versailles, Illador, 2014
– 2016 : Mathias Malzieu, Journal d’un vampire en pyjama, Paris, Albin Michel, 2016
– 2017 : Hélène Merle-Béral, 17 femmes prix Nobel de sciences, Paris, Odile Jacob, 2016
– 2018 : Philippe Lançon, Le lambeau, Paris, Gallimard, 2018
– 2019 : Jérôme Garcin, Le dernier hiver du Cid, Paris, Gallimard, 2019
– 2020 : Victoria Mas, Le bal des folles, Paris, Albin Michel, 2019

François Léger

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