Avec près de 4000 titres de périodiques morts ou vivants, et des dizaines de milliers de monographies dont 115 incunables, la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine peut s’enorgueillir d’être l’une des bibliothèques médicales les plus importantes de France.
L’Académie de médecine est créée en 1820 par Louis XVIII, sous l’impulsion du baron Portal, pour « répondre aux demandes du gouvernement sur tout ce qui intéresse la santé publique, et principalement sur les épidémies, les maladies particulières à certains pays, les épizooties, les différens cas de médecine légale, la propagation de la vaccine, l’examen des remèdes nouveaux et des remèdes secrets, tant internes qu’externes, les eaux minérales naturelles ou factices, etc. » Avec la conservation de ses archives également stipulée par l’Ordonnance fondatrice de 1820 et la constitution progressive d’un patrimoine artistique, la Bibliothèque se voit dotée d’une responsabilité triple : elle conserve non seulement les imprimés mais également les archives et les œuvres d’art. Ses collections imprimées reflètent les domaines précisés par l’Ordonnance, telles la littérature consacrée à la vaccination antivariolique ou encore l’hygiène et la santé publique, et s’étendent à des domaines de spécialisation des médecins et chirurgiens des XIXe et XXe siècles, comme la gynécologie-obstétrique.
Les collections de la Bibliothèque se sont largement constituées à la faveur d’achats et de dons. Au XIXe siècle comme au début du XXe siècle, ce sont les médecins – et pas uniquement des académiciens – ou leurs héritiers qui font don d’ensembles d’ouvrages à l’Académie. Ainsi en 1892 le don par sa veuve de 400 ouvrages ayant appartenu à Henri Roger (1809-1891), en 1893 le don de 406 volumes et 4069 thèses par René Marjolin (1812-1895) représentent des accroissements majeurs. On citera aussi les fonds Mattéi et Devilliers qui comptent respectivement 832 et 94 ouvrages consacrés aux accouchements et aux maladies des femmes, ou encore les 130 ouvrages d’anatomie, de pathologie et de thérapeutique dentaires du fonds Magitot. Les ouvrages présentés en séance comme ceux adressés à l’Académie pour concourir aux nombreux prix qu’elle propose, finissaient par entrer dans les collections de la Bibliothèque. De nos jours, cette dernière reçoit des ensembles cohérents et souvent rares à la suite de la désagrégation de plus en plus fréquente des bibliothèques ultra spécialisées des laboratoires biomédicaux (addictologie, thérapie cellulaire, neurologie, etc.).
Les dons de particuliers étaient complétés de ceux provenant des éditeurs spécialisés en médecine (Baillière, Masson, Asselin et Houzeau, Doin, Steinheil) avec lesquels l’Académie elle-même ou des académiciens entretenaient des relations suivies, auxquels il convient d’ajouter la politique de concession d’ouvrages en provenance du ministère de l’Instruction publique. Les échanges de publications avec des sociétés savantes, contre le Bulletin de l’Académie de médecine, permettent encore aujourd’hui d’enrichir les collections de périodiques.
Dès le début du XXe siècle la Bibliothèque avait acquis une certaine réputation, si bien que les pouvoirs publics faisaient appel à elle pour se dessaisir de ses doubles et contribuer à la constitution de nouvelles bibliothèques (bibliothèque des internes des hôpitaux de Paris, bibliothèque de l’école d’application du service de santé des troupes coloniales à Marseille, bibliothèques de service de santé de certaines colonies).
Si la collection Daremberg constitue de nos jours le cœur des collections de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, elle n’a gagné cette place que tardivement, au prix d’un glissement de perspective. Charles Daremberg (1817-1872), bibliothécaire, médecin et philologue, positiviste proche de Renan et de Littré, s’était rendu célèbre par ses traductions de Galien et ses travaux d’histoire de la médecine, qui lui avaient valu d’occuper à partir de 1870 la chaire d’histoire de la médecine tout juste refondée. Son lien avec l’Académie était double : il en avait été le premier bibliothécaire dans les années 1840 puis en avait été élu membre associé libre en 1868.
A côté des copies, collations, transcriptions ou traductions de manuscrits médicaux grecs et latins qu’il s’était efforcé de rassembler sa vie durant, il avait constitué une bibliothèque importante, pour partie consacrée à l’art médical. A l’examiner aujourd’hui, la collection, quoique contenant ici ou là de belles reliures, des provenances illustres, des annotations intéressantes, n’est pas celle d’un bibliophile esthète mais d’un historien, pour qui le contenu prime sur l’aspect matériel du livre.
Acquise par l’Académie en 1873 auprès de sa veuve et de son fils, et entreposée provisoirement dans la Bibliothèque Mazarine, la collection Daremberg n’a probablement été transférée dans la Bibliothèque qu’à compter de l’érection du bâtiment construit spécialement pour l’Académie en 1902, et n’a été cataloguée que dans les années 1905-1910, par Léon Laloy. Sa cotation, identifiant les incunables par la lettre A, B ou C selon leur format et les autres livres par la lettre D, a fortement contribué à la distinguer des autres ouvrages, tous affectés d’une simple cotation numérique.
C’est sensiblement à cette même époque que la Bibliothèque cherche à s’affirmer comme une bibliothèque de référence en histoire de la médecine et pas seulement en médecine ; dans les années 1910, son bibliothécaire Ernest Wickersheimer sollicite ainsi de sa hiérarchie la possibilité de prendre les premiers abonnements de la Bibliothèque à des revues d’histoire de la médecine. Cette orientation érudite sera d’ailleurs suivie par ses successeurs Henry Busquet et Maurice Genty et continue, encore aujourd’hui, d’imprimer sa marque sur la politique documentaire de l’établissement.
Jérôme van Wijland