Au cours de son histoire, l’Académie de médecine a décerné de nombreux prix, fondés le plus souvent à la suite des dispositions testamentaires de médecins fortunés ou de philanthropes. La Bibliothèque conserve une grande partie des mémoires ayant concouru à ces prix. Plusieurs billets vous inviteront, à travers l’exploration d’un mémoire particulier, à en découvrir toute la richesse et la diversité.
L’année 1842 voit la création d’un Service des missions au sein du ministère de l’Instruction publique, destiné à encourager et subventionner des voyages d’études à l’étranger. Il se voit complété en 1874 par une Commission des missions, composée de scientifiques, qui étudie et rend ses avis sur le bien-fondé des missions. C’est dans ce cadre que la médecine et les hôpitaux russes vont faire l’objet de rapports détaillés de la part de Henri Huchard et Georges Dujardin-Beaumetz. Ce dernier publie en trois livraisons et une dizaine de pages le compte-rendu de son voyage dans la Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie de 1888. Il fera don lors d’une séance de l’Académie de médecine d’une brochure regroupant ces livraisons. Henri Huchard fait publier en 1890 par la Revue générale de clinique et de thérapeutique, qu’il dirige, un texte de 75 pages intitulé « Une Mission scientifique en Russie (notes et impressions de voyage) ».
Paul Aubry, médecin de Saint-Brieuc, a été lauréat du prix Monbinne en 1887 (prix décerné par l’Académie de médecine et subventionnant des missions scientifiques d’intérêt médical), pour un Rapport à M. le Ministre de l’Instruction Publique, sur les hôpitaux en Orient, l’aliénation mentale et la lèpre. Il a ensuite lui aussi effectué une mission en Russie, en août 1887, à la demande du ministère de l’Instruction publique. Il y a visité des hôpitaux à Saint-Pétersbourg et à Moscou. Son rapport a d’abord pris la forme d’un article publié dans la Revue française de l’étranger et des colonies, en 1890 et 1891. Concourant à nouveau au prix Monbinne en 1891, il soumet un mémoire, constitué d’extraits de son article enrichis de textes manuscrits ainsi que de nombreux documents. Ceux-ci sont variés et riches : pour l’hôpital Abougoff, ce sont notamment des séries statistiques (de 1869 à 1880) sur le typhus, les pneumonies, la tuberculose, qui fournissent selon le compilateur un « véritable état sanitaire de la capitale russe ».
On remarquera en particulier la partie du rapport portant sur l’hôpital-baraque Alexandre de Saint-Pétersbourg. Elle participe d’une réflexion approfondie sur l’architecture des hôpitaux développée dans le dernier tiers du XIXe siècle sous l’influence des doctrines hygiénistes. Parmi les sources d’inspiration des médecins et des architectes figurent notamment les hôpitaux-baraques, utilisés par exemple avec succès par les armées allemandes durant la guerre de 1870. Des publications s’ensuivent, parfois signées de membres ou de correspondants de l’Académie de médecine : dès 1872, Angel Marvaud préface ainsi un ouvrage écrit par deux architectes. Quelques années plus tard, Gabriel Maunoury publie dans Le Progrès Médical un long article consacré aux hôpitaux-baraques en Allemagne. Le mémoire du docteur Aubry contribue à cette réflexion par des documents nouveaux, complémentaires et de qualité : c’est ainsi à une précise description architecturale qu’il se livre, avec des planches de croquis très précis tant sur l’implantation des bâtiments que sur les techniques de construction. Une attention particulière est portée à la désinfection : description des appareils, données statistiques.
La suite du mémoire est consacrée à deux hôpitaux moscovites : l’hôpital de la ville, pour lequel on trouvera des plans, des statistiques, mais aussi des formulaires d’admission traduits par l’auteur du rapport ; et le tout récent hôpital pour enfants Sainte-Olga.
Le mémoire ne vaut cette fois pas le prix à Aubry, qui concourra à nouveau sans succès en 1893, avec un rapport de mission au 3ème congrès d’anthropologie criminelle de 1892 (Session de Bruxelles), discipline sur laquelle il a d’ailleurs publié un ouvrage (La contagion du meurtre : étude d’anthropologie criminelle, Paris, Félix Alcan, coll. «Bibliothèque de philosophie contemporaine», 1887 ).
François Léger
Bibliographie :
Aubry P., Les hôpitaux de Saint-Pétersbourg et de Moscou Étude descriptive accompagnée de plans, observations, statistiques, et autres documents). Rapport de mission (août 1887), Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, Prix Monbinne, 1891 n°5.
Aubry P., « Les hôpitaux en Russie, Notes d’un missionnaire scientifique. », Revue française de l’étranger et des colonies, 1891 1890, XII, XIII, no 107, 108, 109, pp. 678?680, 738?741, 44?46.
Dujardin-Beaumetz G., Des hôpitaux-baraques et de l’enseignement médical en Russie, Paris, France, 1889.
Dujardin-Beaumetz G., « Des hôpitaux-baraques et de l’enseignement médical en Russie », Gazette Hebdomadaire de médecine et de chirurgie, 1888, XXV, série 2, no 46, 51, 52, pp. 722?726, 809?811, 821?823.
Huchard H., Une mission scientifique en Russie (notes et impressions de voyage), Paris, Revue générale de clinique et de thérapeutique, 1890.
Jaeger F., Sabouraud É., Étude sur les hôpitaux-baraques ; précédée de Considérations sur l’utilité et les avantages qu’ils présentent au point de vue hygiénique par le Dr Angel Marvaud, Paris, Ducher et Cie, 1872.
Laget P.-L., Laroche C., Duhau I. et al., L’hôpital en France, du Moyen Âge à nos jours: histoire & architecture, 2ème éd., Lyon, Lieux Dits éditions, 2016.
Maunoury G., « Les Hôpitaux-baraques en Allemagne », Le Progrès Médical, 29 septembre 1877, vol. 5, p. 741?792.