Les 13 et 14 juin 2024 se tiendra, dans le cadre des Journées Voltaire 2024, un colloque international consacré à Voltaire et la médecine, organisé par la Société des études voltairiennes (SEV), le Centre d’étude de la langue et des littératures françaises (CELLF, Sorbonne Université), le Centre d’étude et de recherche éditer/interpréter (CÉRÉdI, université Rouen Normandie) et l’Institut de recherches sur la Renaissance, l’âge classique et les Lumières (IRCL, université Paul-Valéry Montpellier 3), en partenariat avec la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, et dirigé par Renaud Bret-Vitoz, Laurence Macé et Jennifer Ruimi.
Ces derniers l’introduisent ainsi :
« Comment Voltaire, cet éternel malade à en croire sa correspondance, se situe-t-il par rapport à la médecine de son temps ? L’article « Maladie, médecine » des Questions sur l’Encyclopédie exprime son ambivalence : « Il est vrai que très longtemps sur cent médecins il y a eu quatre-vingt-dix-huit charlatans. […] Il n’est pas moins vrai qu’un bon médecin nous peut sauver la vie en cent occasions et nous rendre l’usage de nos membres ».
Le développement important des Medical Humanities fournit un contexte favorable pour soulever aujourd’hui pareil questionnement, naturellement interdisciplinaire en ce qu’il associe littérature, histoire des idées, histoire de la médecine et des sensibilités. Au-delà du strict aspect biographique longtemps privilégié, il s’agira, pendant ces deux jours, de poser les questions suivantes : comment, au siècle des Lumières, une médecine moderne et dépouillée des vieilles croyances s’invente-t-elle, dans quelle articulation aux enjeux polémiques et jusqu’à quel point ? Quel rapport au corps, quel rapport à la matière le discours sur la médecine engage-t-il chez le philosophe ? Mais aussi, concrètement, quelle alimentation, quels remèdes Voltaire préconisa-t-il ou critiqua-t-il ? N’est-il des remèdes que chimiques et quid du théâtre qui vaut « presque » les pilules de Stahl selon le dramaturge lui-même ? La question de la postérité de la figure de Voltaire malade ou médecin sera enfin posée, du XIXe au XXIe siècle. »
Jeudi 13 juin 2024 (Académie nationale de médecine ; 16, rue Bonaparte 75006 Paris)
10h00 : Accueil des participants
10h30 : Introduction des organisateurs (Renaud Bret-Vitoz, Laurence Macé, Jennifer Ruimi)
Session 1 : Regards philosophiques sur la médecine. Président de séance : Nicholas Cronk (University of Oxford, Voltaire Foundation)
11h – 11h30 : Christiane Mervaud (Université de Rouen-Normandie) : La médecine dans les Questions sur l’Encyclopédie
11h30 –12h00 : Ekaterina Alexandrova (University of Wyoming) : Voltaire-médecin : le suicide et le savoir-vivre dans le roman français du XVIIIe siècle
Discussion et pause
12h30 – 13h00 : Jacques Georgoulas (Université de Tours) : Guérir du fanatisme : Voltaire médecin des âmes infestées
13h00 – 13h30 : Abderrahmene Frourej (Université de Limoges) : Guérir le corps et l’esprit inspirés : une contagion invisible
Discussion et déjeuner
Session 2 : Écrire la maladie. Président de séance : Renaud Bret-Vitoz (Sorbonne Université)
15h00 – 15h30 : Franck Salaün (Université Paul-Valéry Montpellier 3) : Sagesse de malades : Voltaire et Louise d’Épinay
15h30 – 16h00 : Bénédicte Prot (Universität Basel) : Amuser la convalescence : s’écrire et se rétablir dans la correspondance de Voltaire
Discussion
Vendredi 14 juin 2024 (Maison de la Recherche-Amphi Molinié ; 28, rue Serpente 75005 Paris)
Session 1 – Remèdes. Présidente de séance : Laurence Macé (Université de Rouen-Normandie)
9h00 – 9h30 : Raphaëlle Joignant (Université de Rouen-Normandie) : Voltaire et les anatomistes
9h30 – 10h00 : Linda Gil (Université Paul-Valéry Montpellier 3) : Voltaire et l’automédication. Régimes alimentaires et phytothérapie
10h00 – 10h30 : Thomas Nicklas (Université de Reims) : Plombières et Voltaire
Discussion et pause
Session 2 – Théâtre et santé. Présidente de séance : Jennifer Ruimi (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
11h30 – 12h00 : Justine Mangeant (ENS de Lyon) : « Je ne sais pas ce que c’est que cette médecine » : Voltaire et la purgation des passions au théâtre
12h00 – 12h30 : Florence Filippi (Université de Rouen-Normandie) : Jouer Voltaire : symptômes et maladies d’acteurs
Discussion et déjeuner
Session 3 – Le personnage Voltaire. Président de séance : Franck Salaün (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
14h30 – 15h00 : Sarah Phillips (Sorbonne Université) : Voltaire : « crip » ou escroc ?
15h00 – 15h30 : Florence Fix (Université de Rouen-Normandie) : Voltaire, le vieillard qui ne meurt jamais
15h30 – 16h00 : Annick Batard (Université Sorbonne Paris Nord) : « Voltaire mène l’enquête » : la série des livres de Frédéric Lenormand, avec un personnage hypocondriaque mais rusé aux effets comiques
Discussion et conclusion du colloque
Voltaire et la médecine… Maladie… Mort… À l’occasion de ce colloque, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir une estampe curieuse, une gravure au burin due à Étienne Fessart (1714-1777), et intitulée : « Mort de Pouple chirurgien de M. de Voltaire ». Déjà, elle avait attiré l’attention des curieux, comme en témoigne cette énigme lancée par le Paris médical de 1925 :
« Nous soumettons l’estampe reproduite ci-dessous à la sagacité des lecteurs de Paris médical. Elle représente, comme on le voit, « Pouple » sur un grand lit à baldaquin, couché sur le côté droit, les membres inférieurs fléchis et ramassés sous le buste, dans une position se rapprochant de celle dite « en chien de fusil ». Le corps paraît être celui d’un vieillard portant une barbe blanche ; il est complètement nu et laisse apparaître une peau toute noire, sauf au visage.
La Mort est là ; munie de sa faux, elle vient d’accomplir son œuvre et, la tête dirigée vers le tableau représentant Voltaire dont les regards empreints d’une expression grave regardent le cadavre ; elle semble dire : « Es-tu content ? »
En avant du lit, une femme en pleurs est entourée de cinq enfants en bas âge, tandis que deux autres, plus jeunes, se lamentent dans un berceau. En avant du berceau, s’effondre à terre un personnage tenant une seringue à la main : c’est sans doute l’apothicaire.
A droite, trois autres personnages sont assis autour d’une table : ce semble être des hommes de loi qui se livrent à la lecture d’un testament ou d’un acte judiciaire. Derrière eux, deux abbés debout auprès d’une cheminée sur laquelle est un bougeoir, échangent des paroles.
Au milieu de la vaste chambre, une femme tend une bourse à un jeune seigneur qui, s’appuyant des deux mains sur une chaise, éloigne la quêteuse en lui lançant au bon endroit un coup de pied bien appliqué. Au-dessous du médaillon de Voltaire, on voit un groupe de huit ou neuf personnes qui s’agitent, dont les unes tendent les bras en l’air et qui toutes se précipitent vers la porte à travers laquelle on aperçoit quelques profils humains.
Remarquons accessoirement cette tortue qui fait songer à un brûle-parfum, puis ce linge étendu sur une corde au coin de droite, puis ce chiffre qu’on lit au-dessus de la porte : « N° 5 ».
Que signifie toute cette scène ? A quel événement historique se rapporte-t-elle ? Quel était ce « Pouple, chirurgien de M. de Voltaire » ? Autant de questions que nous n’avons pas encore pu résoudre malgré les investigations les plus solides. Cette estampe se trouve, non pas reproduite, mais seulement cataloguée et très sommairement décrite dans l’Iconographie voltairienne de M. Gustave Desnoiresterres (1), l’auteur de Voltaire et la société française au XVIIIe siècle (2). Mais cet auteur est mort depuis longtemps et la maison d’édition qui publia les ouvrages de M. Desnoiresterres, n’a conservé aucun renseignement ni sur l’estampe qu’elle ne possède pas, ni sur le recueil iconographique qui est épuisé. Il est cependant certain que l’auteur a eu l’image en mains ; il en donne même les dimensions (H. = 0,13 ; L. = 0,17), lesquelles s’écartent un peu de celles de l’estampe que nous reproduisons en réduction et qui est attribuée à l’artiste Et. Fessart (3).
Quel est le lecteur de Paris médical qui détient la clé de cette énigme ? Sa réponse sera la bienvenue.
A. G. et P. C.
(1) Paris, 1879, in-4 de 158 pages.
(2) Gros ouvrage en huit volumes parus successivement de 1867 à 1877.
(3) Etienne Fessart (1714-1777), graveur ordinaire du Cabinet du Roy, graveur de la Bibliothèque et de l’Académie royale de Parme ; exposa au Salon de 1753 à 1763. » [A. G., P. C. 1925]
Enquête à laquelle le docteur Callamand entreprend de mettre un terme :
« CORRESPONDANCE
A propos de la “Mort de Pouple, chirurgien de M. de Voltaire”.
Dans le Paris Médical du 28 février dernier, nous avons soumis à la sagacité de nos lecteurs le soin de fournir l’explication de l’image reproduite par nous. Voici une réponse qui nous a été adressée, à ce sujet, par le très érudit docteur Callamand, de Saint-Mandé :
J’ai consulté, chez un ami, l’Iconographie voltairienne de G. Desnoiresterres, qui signale ainsi votre estampe :
« Pièce étrange dont nous avons vainement cherché l’explication… Cette- page énigmatique atteint un certain prix dans les ventes. »
Si Desnoiresterres n’a pas trouvé, il est invraisemblable qu’on apporte la solution de cette plaisanterie aussi inepte que compliquée, rébus indéchiffrable et parfaitement idiot.
Je connais bien la correspondance de Voltaire, et il n’y est question ni de Pouple, ni d’un chirurgien personnel.
J’ai consulté les tables analytiques extrêmement détaillées des éditions Moland et Firmin-Didot : pas trace de Pouple.
Pouple a d’ailleurs l’allure d’un nom forgé, artificiel et mal venu.
Pourquoi sa face porte-t-elle barbe blanche, alors que tout le monde était rasé ?
Que signifie, au centre même de l’image, cette tortue monumentale ?
Et ces draps qui sèchent sur des cordes ? Sans doute, ceux du lit défait ?
L’incohérence de tous ces personnages disparates est le fait d’un maniaque qui savait, certes, composer un tableau, mais non une énigme ni un problème, car il n’y a pas de solution.
Veuillez agréer, etc.
Signé : Dr Callamand. » [Correspondance 1925]
« Que signifie, au centre même de l’image, cette tortue monumentale ? » Dans une lettre adressée au juriste Willem Jacob ‘s Gravesande et datée de 1737, dans laquelle il dénonce les calomnies dont le dramaturge et poète Jean-Baptiste Rousseau (1670-1741) l’accable, Voltaire déclare : « Le mal a des ailes, et le bien va à pas de tortue. » Est-ce là qu’il faut chercher la signification de cette tortue ? Le colloque n’est-il pas l’occasion de relancer l’énigme ?
Jérôme van Wijland
Informations pratiques :
Jeudi 13 juin 2024 (Académie nationale de médecine ; 16, rue Bonaparte 75006 Paris)
Vendredi 14 juin 2024 (Maison de la Recherche-Amphi Molinié ; 28, rue Serpente 75005 Paris)
Quelques lieux de conservation de l’estampe “Mort de Pouple, chirurgien de M. de Voltaire” :
Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, Ms 1200 (2071) n° 34×0280
Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, RESERVE QB-370 (24)-FT 4 [De Vinck, 4141]
Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, RESERVE FOL-QB-201 (112)
Bibliographie :
[A. G., P. C. 1925] A. G., P. C., « Énigme. Une image curieuse », Paris médical. La semaine du clinicien, Tome LVI. Partie paramédicale, n° 9, 28 février 1925, p. 205-206.
[Correspondance 1925] Correspondance, Paris médical. La semaine du clinicien, Tome LVI. Partie paramédicale, n ° 15, 11 avril 1925, p. 378.