La police des Lumières. Ordre et désordre dans les villes au 18e siècle

Les Archives nationales présentent sur leur site parisien une exposition intitulée « La police des Lumières », jusqu’au 11 juin prochain. La richesse de son thème, qui sous le terme de « police » inclut ce que nous appellerions aujourd’hui ordre public, politique économique, droit du travail, ou encore hygiène publique, donne lieu au déploiement d’une très grande variété de documents : aquarelles, plans, portraits peints, extraits d’ouvrages, manuscrits variés, etc. On y trouvera le témoignage du renforcement d’un système de surveillance et de contrainte, garant d’un ordre inégalitaire, mais toutefois marqué par le souci d’une administration éclairée qui recherche le bien-être des sujets au moyen de mesures rationnelles et raisonnées.

Police d’Ancien régime, puissance contraignante et parfois violente dont les cahiers de doléance de 1789 contesteront certains aspects, cette « police des Lumières » manifeste en effet tout au long du parcours de l’exposition l’ambivalence de son projet. Les commissaires nous rappellent que certains responsables de l’ordre public n’hésitent pas alors à parler d’une « science du bonheur », destinée à assurer « la félicité des hommes en société ». C’est ainsi qu’à côté de documents évoquant les aspects coercitifs de cette police, en particulier dans les grandes villes en forte croissance, l’exposition met en lumière des dispositifs qui manifestent un souci pour la préservation de la vie et le bien-être des corps et des esprits.

Ainsi en va-t-il de la réglementation (et des controverses qu’elle entraîne) autour de l’approvisionnement des villes en blé, ou encore des moyens dévolus à la lutte contre l’incendie. Le souci d’assurer la sécurité donne aussi lieu, d’une manière plus anecdotique mais très révélatrice des ambitions d’une police qui entend ne rien négliger, à une machine fumigatoire, dont la fonction est de ranimer les noyés en leur insufflant de la fumée de tabac par les orifices du corps.  L’idée est de Calmette, un chirurgien de Narbonne, qui en fait part à la Société royale de médecine en 1784. La Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine est heureuse de prêter à l’exposition un dessin en couleurs. La Société royale de médecine, que continuera l’Académie de médecine fondée en 1820, participe en effet pleinement à la police des Lumières dans le domaine de la santé. L’exposition présente ainsi un autre document extrait des collections de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine : un feuillet manuscrit d’observations qui témoignent du rôle d’expertise de la Société royale de médecine en vue de l’autorisation de remèdes (alors appelés « empiriques »). Cette fonction de contrôle constitue avec celle de collecte d’informations, portant principalement sur l’état de santé des populations et sur ses déterminants climatiques, l’une des principales raisons d’être de la Société royale de médecine.

L’exposition a donné lieu à un catalogue, en même temps que paraît un autre ouvrage collectif, cosigné par deux des commissaires de l’exposition, embrassant l’histoire de la police en France, dans une perspective plus classiquement centrée sur l’ordre public, mais sur une très large période.

François Léger

Informations pratiques :

Exposition « La police des Lumières. Ordre et désordre dans les villes au 18e siècle. » Archives nationales, site de Paris, du 11 mars au 29 juin 2020. Archives nationales – 60, rue des Francs-Bourgeois, Paris 3e.

Références bibliographiques :

Vincent Denis, Vincent Milliot et Isabelle Foucher (dir.), La police des Lumières. Ordre et désordre dans les villes au 18e siècle, Paris, Gallimard, Archives nationales, 2020.

Vincent Milliot (dir.), Emmanuel Blanchard, Vincent Denis, Arnaud-Dominique Houte, Histoire des polices en France. Des guerres de Religion à nos jours, Paris, Belin, Humensis, 2020.

Tagués avec : ,