Georges Duhamel (1884-1966), une figure du médecin-écrivain

Georges Duhamel et Charles Nicolle à Valmondois_1923-1925Le 13 avril 2016 marque le 50e anniversaire de la mort de Georges Duhamel (1884-1966) dont l’œuvre touche à des domaines aussi variés que la littérature, la médecine, la musique, la défense de la langue française ou le pacifisme. La présentation de ces différentes facettes de la personnalité de Georges Duhamel a fait l’objet d’une séance commémorative à l’Académie nationale de médecine le 19 mars 1985 en vue de rendre hommage à l’un de ses membres les plus célèbres.

En effet, il ne faut pas oublier que Georges Duhamel, connu avant tout pour ses écrits, tant fictionnels que journalistiques et mémoriels, est fils de médecin et a lui-même suivi cette voie : externe en 1904, il soutient sa thèse en 1909 sur L’acide thyminique dans la thérapeutique des maladies goutteuses, tout en obtenant la même année sa licence ès sciences. Sa formation universitaire en médecine s’arrête là : Georges Duhamel ne se présentera pas au concours de l’Internat car, selon les mots de René Küss, sa préparation « réclamait une discipline et un travail assidu dont ne pouvait s’accommoder l’esprit bohême et artiste qu’était le sien à l’époque. » (Bulletin de l’Académie nationale de médecine, vol.169, n°3, p.386).

Par la suite, Georges Duhamel exerce la médecine ponctuellement, par nécessité c’est-à-dire pour subvenir à ses besoins (remplacements en province, chercheur dans une maison de produits pharmaceutiques), ou, par devoir notamment lors des deux guerres mondiales. Bien que « de santé délicate » (Bull. de l’Académie nationale de médecine, vol.169, n°3, p.396), il s’engage volontairement en 1914 et passe les quatre années de la guerre au sein de plusieurs ambulances auto-chirurgicales, les autochirs 9/3 et 16. Son courage, son dévouement et son habileté chirurgicale sont soulignés à plusieurs reprises par ses supérieurs. Georges Duhamel est ensuite nommé dans les réserves, médecin major de 1e classe en 1926 et médecin capitaine en 1932. Durant la Seconde Guerre mondiale, il reprend un temps ses activités de chirurgien, à Rennes en 1940, quand la ville est bombardée et occupée. Il s’oppose aux rigueurs du rationnement et, à son initiative, l’Académie de médecine crée une commission chargée de faire des propositions pour améliorer la situation alimentaire des français.

Ce sont ces expériences traumatisantes qui le poussent à écrire La Vie des Martyrs (1917), Civilisation (1918), Les entretiens dans le tumulte (1919) ou encore Lieu d’asile (1940), autant de témoignages sur les ravages de la guerre. Certains de ces écrits seront saisis par les allemands dès 1940, lacérés (Lieu d‘asile) ou brûlés (Civilisation).

Décret entérinant l'élection de Georges Duhamel à l'ANM_11.05.1937

Durant le reste de sa vie, Georges Duhamel continue à intervenir et à s’engager dans le domaine médical, par des actions diverses.

Elu membre libre de l’Académie de médecine en 1937, il assiste avec assiduité aux séances et y fait 20 communications sur des questions de santé publique : le bruit (1938), le rationnement alimentaire (1940), la salubrité des aérodromes (1950), la lutte antituberculeuse en Afrique Occidentale Française (1953), la neutralité médicale en temps de guerre (1956), la pollution de l’air et des eaux (1959)…

Confrère apprécié et estimé tant sur le plan humain que scientifique, Georges Duhamel préside l’Académie de médecine en 1960.

Il est aussi membre de l’Académie de chirurgie à partir de 1938.

Lettre de Georges Duhamel à l'ANM_08.12.1952Président de l’Alliance français, défenseur de la langue française mais aussi du maintien de la paix dans le monde, Georges Duhamel œuvre aussi sur le plan international en médecine. Emu par l’incendie qui, en 1948, détruit la bibliothèque de l’Ecole de médecine de Santiago du Chili, riche d’ouvrages français, Georges Duhamel sollicite l’Académie de médecine pour qu’elle fasse un don de livres et de revues : 110 volumes seront envoyés en 1950 au Chili. Suite à un séjour au Japon en 1952, il fait une communication à l’Académie de médecine sur la pratique médicale dans ce pays.

La médecine a aussi une place majeure dans son œuvre d’écrivain. Georges Duhamel a en effet écrit une vingtaine d’articles à contenu médical, la plupart parus dans Les Comptes rendus de la Société de biologie. Mais surtout, la médecine est au cœur de La Vie des Martyrs, qui témoigne de son action de chirurgien pendant la Première Guerre mondiale, et, sous un jour moins dramatique, de La Chronique des Pasquier (1933-1945), fortement imprégnée par ses souvenirs d’enfance.

Georges Duhamel a donc consacré beaucoup de temps, d’engagement et de passion aux questions médicales et de santé publique, tout étant un grand écrivain. Il s’inscrit ainsi dans la longue lignée des médecins-écrivains dont nous pouvons citer quelques représentants : François Rabelais (1494-1553), Friedrich von Schiller (1759-1805), Charles Richet (1850-1935), Anton Tchekhov (1860-1904), Charles Nicolle (1866-1936), grand ami de Duhamel, Louis-Ferdinand Céline (1894-1961), Henri Mondor (1885-1962)…

Bibliographie :

– Bulletin de l’Académie nationale de médecine, éloge de Louis Pasteur Vallery-Radot, 18 octobre 1966, vol.150, n°26-27, p.514-524

– Bulletin de l’Académie nationale de médecine, Commémoration du centenaire de la naissance de Georges Duhamel, 19 mars 1985, vol.169, n°3, p.375-409

– Dossier biographique de Georges Duhamel conservé à la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine

Anaïs Dupuy-Olivier

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