Odilon Marc Lannelongue (1840-1911)

Parmi ses archives, la Bibliothèque détient de nombreux fonds provenant d’académiciens ou de médecins. Dans une série de billets, nous reviendrons sur certains de ces fonds qui ont déjà fait l’objet d’un inventaire publié dans Calames, le Catalogue en ligne des archives et manuscrits de l’enseignement supérieur. Nous présentons aujourd’hui le fonds Lannelongue (1840-1911), inventorié par Nathalie Queyroux en 2004.

Lannelongue, peut-on lire en 1908 dans le satirique Album du rictus,

« est petit, trapu, avec un nez volumineux, des cheveux relevés en brosse, une barbe grise ; toujours vêtu l’hiver d’une longue lévite, l’été d’une courte jaquette d’alpaga noir, il va d’allures peu guindées et dandinant sa marche ; mais sa figure, aux traits fortement modelés, est loin d’être banale, éclairée de deux yeux où l’intelligence étincelle.
Il est de ceux qui savent aimanter la chance. Venu de province sans fortune, il se fit remarquer très vite, et très vite aimer de ses maîtres. Le grand Broca, à la visite duquel il arrivait régulièrement en retard, le saluait chaque matin d’une phrase de bienvenue, le présentant à son entourage avec une paternelle fierté, que M. Lannelongue a, depuis, pleinement légitimée. » [RICTUS 1908]

Né le 4 décembre 1840 à Castéran-Verduzan dans le Gers, fils d’un officier de santé, a de fait, au cours d’une carrière très dense, multiplié les succès. Ils sont si nombreux qu’on n’en donnera ici qu’une brève esquisse : remarqué par son instituteur, il fait sa scolarité à Auch, qui se solde par un baccalauréat obtenu en 1857. Puis il entreprend à Paris des études de médecine à la Faculté. Après l’externat, l’adjuvat, l’internat, puis en 1868 le prosectorat de la faculté de médecine, il est agrégé de chirurgie et de médecine opératoire en 1869 [HUGUET 1991]. En 1867, année de son doctorat, il est lauréat du Prix de l’Académie de médecine, avant d’en être élu membre en 1883, dans la section de pathologie chirurgicale. Son décès survient en décembre 1911, alors qu’il est président de l’Académie. Alexandre Guéniot, prononçant l’éloge de Lannelongue, conclut l’impressionnante liste de ses réalisations par ces mots :

« En considérant cette progression ascendante et interrompue de titres et de fonctions, ne semble-t-il pas que notre très regretté collègue eut pu prendre pour devise : Peiner loujours et toujours monter ? » [GUENIOT 1911]

Le dossier de correspondance conservé à l’Académie documente les débuts de cette carrière, dix années d’études et de succès pour cet étudiant désargenté mais talentueux, entre 1857 et 1867. On y lira comment son père Raymond se résout à voir son fils préférer la carrière médicale à l’École polytechnique :

« S’il est bien arrêté dans ton for intérieur que la médecine est la seule carrière qui fixe ton attention et ait des attraits pour ton jeune cœur, certes je me donnerais bien garde d’y mettre obstacle malgré que la profession du médecin me paraisse sous tous les rapports bien au dessous des emplois qu’on attribue aux hommes sortant de l’école polytechnique… » [BANM, Fonds Lannelongue (OML) II.1]

On y verra ce fils talentueux demander parfois une aide financière à son père (celui-ci lui prodiguant en retour subsides et conseils, mais demandant aussi des comptes), plus souvent lui faire part de ses doutes, de ses espoirs et de ses succès, ou lui exposer ses plans de carrière :

« Il va s’ouvrir vers le quinze de ce mois-ci un concours à l’école pratique de dissection pour plusieurs places d’élèves à cette école ; quoique n’ayant pas de grands avantages, car vous n’avez que quelques préparations à faire pour le cours d’anatomie qui se fait l’hiver, j’ai envie de concourir tout de même, ce sera toujours un titre que je pourrai ajouter sur ma thèse, et le concours du reste ne présente ni frais à faire, ni difficulté sérieuse. » [BANM, Fonds Lannelongue (OML) II.2]

Exerçant auprès de divers maîtres dans plusieurs services (à Lourcine, Beaujon, Lariboisière, la Pitié, la Charité), Lannelongue ne manque pas d’évoquer la vie qu’il y mène au cours de ces années d’apprentissage. Dans un ensemble de lettres datées de 1865-1866, il rapporte à son père l’épidémie de choléra qui sévit à Paris :

« Je ne désirerais pas mieux que de prendre quelques jours de vacances, et devant faire un choix du séjour où je voudrais aller je n’hésiterais pas, et je viendrais passer trois semaines ou un mois près de vous. Mais aujourd’hui cela m’est impossible. Le choléra est de nouveau à Paris et l’administration ne donne aucun congé, pas même aux chefs de service. Les chaleurs très fortes que nous avons eues il y a quinze jours ont été le prélude du fléau, qui s’est déclaré subitement après un orage des plus violents. Le nombre de ceux qui sont atteints n’est pas très considérable à la Charité, car le chiffre des entrées par jour n’a pas dépassé 12. Mais la gravité de la maladie est extrême, car tous ou à peu près meurent, plus ou moins rapidement. Les uns en effet ne vivent que quelques heures, d’autres ne dépassent guère deux jours. » [BANM, Fonds Lannelongue (OML) II.2]

A côté de cette correspondance très vivante, la plus grande partie de ce fonds est médicale, constituée de notes de travail portant sur différentes pathologies, incluant notes de lectures, préparations de cours, ainsi que quelques lettres. Ces documents, en lien pour l’essentiel avec la carrière médicale de Lannelongue entre 1890 et 1910, sont tout ce qui demeure de ses archives personnelles, pour leur plus grande part brûlées à sa mort. Ami de Léon Gambetta (dont il regrette de n’avoir pas opéré l’appendicite), Odilon Marc Lannelongue a également eu une carrière politique comme maire, député et sénateur, et le fonds comporte 5 feuillets de note sur l’instauration « d’un carnet de santé familial et individuel facultatif », qui renvoient au débat, à la toute fin du XIXe siècle, sur la mise en place d’un carnet de santé comme outil de santé publique [ROLLET 2005] [ROLLET 2008]. La Bibliothèque possède également un manuscrit de Lannelongue, composé entre 1906, date de son entrée au Sénat et 1911, et consistant en 149 pages de notes de lectures relatives à la sociologie et au droit de la famille (à partir des écrits de Frédéric Le Play, Émile Accolas, Marcel Planiol et Henry Clément).

François Léger

 

Lien vers l’inventaire :

Inventaire Calames du fonds Lannelongue (1840-1911)

 

Références bibliographiques :

[GUENIOT 1911] Alexandre Guéniot, « Décès de M. Lannelongue, président », Bulletin de l’Académie de médecine, 75e année, 3e série, tome LXVI, séance du 26 décembre 1911, p. 382-388.

[HAVELANGE 1986] « Lannelongue Odilon Marc », dans Isabelle Havelange, Françoise Huguet, Bernadette Lebedeff ; établi sous la direction de Guy Caplat, Les inspecteurs généraux de l’Instruction publique : dictionnaire biographique, 1802-1914, Paris, Institut national de recherche pédagogique, Éd. du C.N.R.S., 1986.

[HUGUET 1991] « Lannelongue Odilon Marc », dans Françoise Huguet, Les professeurs de la Faculté de médecine de Paris. Dictionnaire biographique, 1794-1939, Paris, Institut national de recherche pédagogique, Éd. du C.N.R.S., 1991, p. 268-270.

[RICTUS 1908] « Biographie du Professeur Lannelongue », Album du « Rictus », Première série (années 1905 & 1906), 1908, p. 135.

[ROLLET 2005] Catherine Rollet, « Pour une histoire du carnet de santé de l’enfant : une affaire publique ou privée ? », Revue française des affaires sociales, no. 3, 2005, p. 129-156.

[ROLLET 2008] Catherine Rollet, Les carnets de santé des enfants, Paris, La Dispute, 2008 (Corps Santé Société).

 

Autre ressource :

Notes de lecture de Lannelongue. Sociologie, XIXe siècle. Manuscrit, BANM MS 556 (1428).

 

Pour citer ce billet :

François Léger, « Odilon Marc Lannelongue (1840-1911) », Site de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine [en ligne]. Billet publié le 22 mars 2024. Disponible à l’adresse : https://bibliotheque.academie-medecine.fr/lannelongue/

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