Le fonds Buisine. Journal d’un pédiatre lillois

Nous publions aujourd’hui dans le catalogue Calames l’inventaire du fonds André Buisine. Pédiatre lillois, ses archives ont été données aux Archives Nationales du Monde du Travail par son neveu, Philippe Dehaene, en 2010. Elles ont fait l’objet d’un transfert de propriété à la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine en 2021.

André Buisine est né à Loos, dans le département du Nord, le 2 février 1902. Il s’est marié le 31 janvier 1929 avec Lucie Rossignol, décédée en 1947. Il s’est remarié en 1949 avec Ghislaine Hamerel.

Sa thèse de médecine, soutenue à Lille en 1927, s’intitule : Les oblitérations artérielles des membres au cours de la pneumonie. De 1928 à 1946, il exerce la médecine générale à Bourbourg, dans le Nord, puis prépare à Paris le diplôme universitaire de puériculture, qu’il obtient en 1946. Devenu chef de clinique à l’Université catholique de Lille, il ouvre en 1950 un cabinet libéral de pédiatrie, rue Solferino à Lille, où il exerce 25 ans durant, jusqu’à sa retraite. Pendant cette période, il fréquente régulièrement les hôpitaux parisiens, rencontre quelques grands noms de la médecine française, comme Henri Deherripon, Jean Rieux, et à l’occasion, Jean Bernard. Il prend sa retraite en 1971 et en profite pour multiplier les voyages. Il décède le 11 mai 1982 sans descendance directe.

Le fonds Buisine comporte trois ensembles. Le premier ensemble contient les documents ayant trait à la vie personnelle d’André Buisine, dont la pièce la plus importante est son journal dactylographié. André Buisine le rédige probablement à la fin de sa vie. Il y détaille les évènements marquants de sa vie personnelle, traversée par de nombreux deuils, dont celui de sa première épouse. Il y mène aussi des réflexions sur la vie politique et sur la religion catholique.

L’extrait qui suit est daté de la fin de l’année 1947, alors qu’André Buisine est veuf depuis peu :

Novembre et décembre 1947

En novembre, l’activité médicale redevient normale, mais il faut être sage et penser au retour.

Je resterai encore jusqu’au 15 novembre, afin de finir un diplôme d’hématologie, assister à la consultation d’urologie de Marcel (VI 91-109) et aller voir Mollaret dans son service de Claude Bernard.

À partir du 15 nov., je ne quitterai plus la rue Mercier. Mon installation est terminée, et j’ouvrirai mon cabinet dans un bon mois, le 1er janvier prochain.

Le climat à St Antoine est malheureusement inchangé. J’essaie de travailler, mais j’ai peu de chose à me mettre sous la dent : pour cette année 47, 4 articles seulement en tout (références 34 à 38).

Je fais quelques visites à des correspondants possibles (Butin, Denis) : trop peu. Je rode à la bibliothèque, poussiéreuse et froide, c’est vraiment un cimetière !

Je m’accroche à la piété, à des lectures fortes, l’« effort intellectuel » de Bergson, le Charles de Foucauld de René Bazin, la vie [de Marie Curie par] Eve Curie .

Le 31 décembre, j’irai porter à la Sœur Marie-Paule l’image mortuaire de Lucie. Je revois la chambre où elle a tant souffert, et notre conversation ravive ma plaie toujours saignante. Ce dernier jour de 1947, passé solitairement dans mon bureau à préparer des instruments a été mélancolique. Mais haut les cœurs quand même ?

 

Le deuxième ensemble est composé de 36 cahiers d’observation et de suivi des patients d’André Buisine, de 1946 à 1969, qui constituent un témoignage important sur la pratique médicale de son temps. André Buisine y mène des réflexions sur les problèmes de diagnostic de ses patients. Dans le passage qui suit, il fait remarquer que tenir les mains des patients peut être un outil de diagnostic important :

Réaction caractérielle chez une fille de 12 ans.

Fille de prisonnier, élevée un peu maladroitement par sa mère. Au retour du père, les réactions morales sont fort pénibles, l’enfant est jalouse, coléreuse, elle jette un regard d’envie dans l’assiette de son père, elle se jette nerveusement sur le bébé d’1 an et lui déclare qu’elle le rendra méchant aussi pour sa mère… L’enfant avant la guerre était déjà fort coléreuse. Ex de Le Grand habituel : les yeux, le pouls, le ROC est de 96/76 donc + mais pas très fort +

Il faut toujours prendre les mains de ses malades quand on les examine, on obtient ainsi pas mal de renseignements. Ici on sent des réactions neuromusculaires vives sous une apparence calme, de véritables tressautements continus. ROC + serait peut-être en faveur d’une tendance épileptoïde. En effet chez tous les épileptoïdes le ROC est +.

Les tests de Foucaut sont en faveur d’un bon quotient intellectuel, on obtient ici un âge de 13 ans et demi pour 12 ans d’âge réel.

Ces tests de Foucaut sont basés sur 5 groupes de 10 questions dont les résultats sont chiffrés. On met la note de 0 pour une mauvaise réponse, 1 pour une réponse moyenne et 2 pour une bonne réponse.

Les 5 groupes de questions correspondent à 1) notion des choses, 2) genres et espèces 3) contraires 4) parties et tout 5) analogies.

Ces tests de Foucaut sont surtout intéressants chez les enfants des classes moyennes, les enfants de milieux intellectuels et déjà intelligents ont vite 100/100.

On peut les faire par écrit et par oral.

Ils s’appliquent à tous les âges à la différence du test de Binet Simon qui d’après le titre même de l’ouvrage de ces auteurs ne s’appliquent qu’aux jeunes enfants.

Les tests caractériels sont beaucoup plus longs car il y a 300 questions, cela demande des heures et l’enfant se lasse, il faut même lui donner un répit.

 

Enfin, un troisième ensemble du fonds Buisine regroupe les tirés à part d’André Buisine, des articles pour la plupart publiés dans le Journal des sciences médicales de Lille, de 1922 à 1958.

 

Raphaëlle Dreyfus

 

NB : afin de respecter les dispositions du Code du patrimoine, une partie des documents du fonds Buisine ne sont pas communicables.

 

Pour citer ce billet :

Raphaëlle Dreyfus, « Le fonds Buisine. Journal d’un pédiatre lillois », Site de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine [en ligne]. Billet publié le 24 février 2023. Disponible à l’adresse : https://bibliotheque.academie-medecine.fr/buisine/.

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