Les prix de l’Académie – IV. Un mémoire inédit de Jean-Martin Charcot et Benjamin Ball

Au cours de son histoire, l’Académie de médecine a décerné de nombreux prix, fondés le plus souvent à la suite des dispositions testamentaires de médecins fortunés ou de philanthropes. La Bibliothèque conserve une grande partie des mémoires ayant concouru à ces prix. Plusieurs billets vous inviteront, à travers l’exploration d’un mémoire particulier, à en découvrir toute la richesse et la diversité.

En 1860, les candidats au prix Portal sont invités à concourir sur les obstructions vasculaires du système circulatoire du poumon et les applications pratiques qui en découlent. Un seul mémoire concourt, celui de Jean-Martin Charcot et Benjamin Ball. Il ne reçoit pas le prix, mais une somme de 600 francs à titre de récompense.

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Jean-Martin Charcot

Un pan méconnu de la carrière scientifique de Jean-Martin Charcot (1825-1893) concerne la médecine interne, pour laquelle sa connaissance de l’anglais et de l’allemand lui permet de tirer profit de la littérature internationale. Il a ainsi consacré sa thèse de doctorat à la goutte et, l’année-même du prix, en 1860, lors de sa deuxième et fructueuse tentative à l’agrégation, sa thèse d’agrégation à la pneumonie chronique.

Benjamin Ball (1833-1893), quant à lui, avant de devenir un célèbre aliéniste, spécialiste du délire des persécutions, de la folie érotique ou encore de la morphinomanie, consacre sa thèse de doctorat en 1862, aux embolies pulmonaires.

Deux ans avant le prix Portal, en 1858, les deux médecins avaient fait paraître un article dans la Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie, « [s]ur la mort subite et la mort rapide à la suite de l’obturation de l’artère pulmonaire par des caillots sanguins, dans les cas de phlegmatia alba dolens et de phlébite oblitérante en général. »

Dans le mémoire manuscrit de 230 feuillets soumis à l’examen de l’Académie de médecine, les auteurs examinent tour à tour, après des considérations préliminaires (chapitre 1), les concrétions polypeuses du cœur (chapitre 2), les caillots emboliques (chapitre 3), les concrétions sanguines formées sur place dans l’artère pulmonaire (chapitre 4), les symptômes et diagnostic des obstructions de l’artère pulmonaire (chapitre 5), enfin le pronostic et traitement des obstructions de l’artère pulmonaire par des caillots sanguins (chapitre 6). Le mémoire est émaillé de nombreuses observations cliniques. Les planches qui illustraient le mémoire ont été reprises par Ball en 1861.

Les conclusions tirées par les auteurs sont au nombre de cinq : les concrétions sanguines se rencontrent plus fréquemment dans l’artère pulmonaire que dans toutes les autres parties de l’arbre vasculaire. Production de caillots dans les cavités du cœur et solidification du sang dans les vaisseaux pulmonaires sont liées. Les caillots peuvent se déplacer au sein des vaisseaux pulmonaires et les obstruer. Si les obstructions faibles ont peu de conséquences, les obstructions volumineuses sont graves et souvent fatales. « Les moyens thérapeutiques capables de diminuer la plasticité du sang seraient utilement employés dans tous les cas d’obstruction de l’artère pulmonaire. Mais, dans l’incertitude où se trouve actuellement la science à cet égard, c’est aux moyens préventifs qu’il convient surtout de recourir aujourd’hui. »

L’inventaire des prix – encore partiel – est disponible sur le catalogue Calames. Le dossier relatif à ce prix Portal se trouve à la cote et au lien suivants : Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, Acad. méd. Prix Portal 1860 n° 1 (boîte 12).

Jérôme van Wijland

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