Au cours de son histoire, l’Académie de médecine a décerné de nombreux prix, fondés le plus souvent à la suite des dispositions testamentaires de médecins fortunés ou de philanthropes. La Bibliothèque conserve une grande partie des mémoires ayant concouru à ces prix. Plusieurs billets vous inviteront, à travers l’exploration d’un mémoire particulier, à en découvrir toute la richesse et la diversité.
Les questions du prix bisannuel fondé par Mathieu Orfila ont trait principalement à la toxicologie, mais aussi à la médecine légale et à diverses autres questions médico-chirurgicales. La question mise au concours pour l’année 1908 est consacrée à l’épuration des eaux usées des villes et des eaux résiduaires des usines.
Deux mémoires concourent. L’un est signé B. Bezault et J. Roussel. L’autre, signé du bactériologiste Albert Calmette (1863-1933) et de quatre de ses collaborateurs, Edmond-Jules Rolants, Félix Constant, Eugène Boullanger et Léon Massol, est constitué des trois premiers volumes imprimés des Recherches sur l’épuration biologique et chimique des eaux d’égout effectuées à l’Institut Pasteur de Lille et à la station expérimentale de La Madeleine, parus chez Masson en 1905, 1907 et 1908.
A peine le prix attribué à Calmette, en décembre 1908, Bezault et Roussel adressent une réclamation à l’Académie de médecine par laquelle ils dénoncent le non-respect par Calmette et son équipe de l’obligation d’anonymat. Le Conseil d’administration, suivant la réclamation des deux candidats malheureux, constate une « infraction grave au règlement » et annule l’attribution du prix Orfila.
Par une lettre adressée au président de l’Académie le 21 décembre 1908, Calmette conteste cette annulation. Il attribue l’annulation à la déloyauté de son concurrent, Bezault, dont il dénonce les ambitions commerciales. Il proteste également de la suspicion qui risque d’entacher la valeur de ses travaux, et se dit prêt à renoncer à la dotation financière pour n’accepter que l’attribution nominale.
Il conteste l’argument selon lequel les mémoires doivent être manuscrits et anonymes, affirmant à juste titre qu’il s’agit d’un simple usage ne figurant pas dans les dispositions testamentaires du prix. Du reste, il produit la preuve que l’anonymat n’était pas requis. En effet, par une lettre du 21 février 1908, Calmette avait pris soin de demander au secrétaire perpétuel, Sigismond Jaccoud, s’il était nécessaire de concourir de façon anonyme. Jaccoud lui avait répondu, le 23 février, que le Conseil acceptait sa candidature, « l’anonymat n’étant pas prescrit par le règlement d’une manière formelle. »
Néanmoins, au terme d’une délibération du Conseil d’administration du 22 décembre 1908, l’annulation du prix Orfila est maintenue, et le sujet du concours remis à l’année 1910. En 1910, les quatre collaborateurs d’Albert Calmette postulent de nouveau et remportent le prix.
L’inventaire des prix – encore partiel – est disponible sur le catalogue Calames. Le dossier relatif à l’annulation du prix Orfila ainsi que le mémoire de Bezault et Roussel se trouvent à la cote et au lien suivants : Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, Acad. méd. Prix Orfila 1908 (boîte 3).
Jérôme van Wijland