La léproserie de Koyama (2)

L’ album photographique de la léproserie de Koyama a certainement été voulu par son directeur, le père Lucien Droüart de Lézey, que ses thuriféraires qualifieront à sa mort en 1930 de « partisan très actif de l’apostolat par la presse » (« La mort d’un grand missionnaire », Les Annales coloniales, 31e année, n° 191, 23 décembre 1930, p. 2). En effet, au-delà des remerciements adressés aux donateurs pour les subsides qu’ils lui ont apportées à la suite du séisme, le père Droüart de Lézey se livre à une véritable campagne de communication, destinée à lui attirer d’autres donations comme à faire connaître le rôle charitable des missions étrangères. Cet album vient ainsi compléter les communications et les brochures qu’il a prodiguées sur la léproserie, non sans un sens consommé de l’humour. Billet Koyama photo Drouart de LézeyLes Missions étrangères de Paris en possèdent un album de facture équivalente, mais dont une partie des photographies diffèrent de l’album conservé dans les collections de la Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine. Plus que les brochures consacrées à la léproserie, les albums photographiques permettent une plongée fascinante dans l’univers d’une institution charitable de missionnaires français au Japon, au lendemain du séisme dévastateur de Kanto.
En effet, les photographies ont été prises en janvier 1924, lors d’une visite officielle de Paul Claudel, ambassadeur de France et du Dr Laurence, médecin major des troupes coloniales en Indochine. Le Dr Bellet qui les accompagne estime alors le nombre de lépreux au Japon à près de 50 000. A cette même époque, le pays compte neuf léproseries, dont une dirigée par une mission protestante, une autre par une mission bouddhiste, enfin deux par les missions étrangères catholiques (Koyama, Chiu Siu).Billet Ms 985 (1856) Claudel
La léproserie de Koyama, située dans la préfecture de Shizuoka, au pied du mont Fuji, a été créée en 1889 par le père Germain-Léger Testevuide, membre des missions étrangères de Paris désigné pour l’évangélisation du Japon. En 1924, elle accueille environ 80 lépreux.
Les photographies illustrent les trois principaux aspects de la vie quotidienne des lépreux telle que les missionnaires l’organisent, dans le cadre d’une colonie agricole permettant un « isolement pratique sans claustration ».
La religion est au centre du fonctionnement de la léproserie comme la chapelle l’est physiquement. En témoignent la piété et le travail d’évangélisation palpables dans la reconstitution de la grotte de Lourdes au pied de laquelle viennent prier des lépreuses en kimonos traditionnels, ou encore telle représentation théâtrale des martyrs chrétiens japonais.

Le travail est la deuxième valeur prônée par le père Droüart de Lézey. Une partie du travail est consacrée à la reconstruction après le séisme : travaux de terrassement, de réparation des toits, reconstruction du moulin à eau, reconstruction du magasin de riz en ciment armé, transport de bois de construction, etc. Mais les travaux des champs, la récolte des daïkon, la coupe du foin, la cueillette du thé, la fabrication du charbon de bois, la cuisine, la couture et jusqu’aux travaux de vannerie accomplis par les lépreux aveugles sont là pour démontrer, sinon leur utilité sociale du moins leur capacité à vivre en quasi-autarcie.

Enfin, les loisirs, distractions et relaxations contribuent à l’amélioration de la qualité de vie des lépreux : pièces de théâtre, fanfare, séances de cinématographe, loterie de Noël, excursions en montagne et pique-niques.

Ci-dessus, album photographique des Missions étrangères de Paris.

Au-delà de ces trois aspects érigés en vertus cardinales de la vie quotidienne dans la léproserie, les albums photographiques rejoignent les brochures dans leur volonté d’insister sur les difficultés économiques et, plus encore, sur l’humanité souffrante des lépreux, afin de susciter sentiments de compassion et actes de charité.

Jérôme van Wijland

Remerciements à Lucie Perrault (Archives des Missions étrangères de Paris) et à Ghislaine Olive (Iconothèque des Missions étrangères de Paris)

Bibliographie :

Bulletin de l’Académie de médecine, 3e série, tome XCIV, 89e année, séance du 7 juillet 1925, p. 765-766.

Droüart de Lézey, Lucien, « La Bienheureuse, céleste pourvoyeuse d’une léproserie japonaise. Communiqué au Carmel de Lisieux en avril 1921. Relation de l’aumônier de la Léproserie de Gotemba », Pluie de Roses, VI, 1919, 1920-1921, 1922, p. 560-561.

Droüart de Lézey, Lucien, Koyama Leper Hospital, Koyama Nr. Gotemba Shizuoka-ken Japan, s.n., [ca 1929].

Me., Un cinquantenaire. Notice historique sur la léproserie de Koyama par un prêtre des missions étrangères de Paris (1889-1939), s.l., s.n., [1939].

Léproserie de Koyama. Shizuoka-Ken. Japon. Album photographique. Jointes : photographies non collées. Jointe : lettre de présentation. Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, Ms 985 (1856) cm.

Léproserie de Koyama. Shizuoka-Ken. Japon. Album photographique. Archives des Missions étrangères de Paris.

Ligneul, Alfred, Verret, Sylvain, L’évangile au Japon au XXe siècle : correspondance et ouvrages de M. Alfred Ligneul, de la Société des Missions Étrangères de Paris Supérieur du Séminaire de Tokio, publiés avec introduction, notes et résumés par l’abbé Sylvain Verret Supérieur du Petit Séminaire de Chartres, Paris, Librairie Vve Ch. Poussielgue, 1904, chapitre XV, p. 310-316.

Marnas, Le Père Testevuide et sa léproserie de Gotemba (Japon), par M. l’abbé Marnas, missionnaire apostolique, Imprimerie Emm. Vitte, 30, rue Condé, Lyon, 1891 (non vidimus).

« La mort d’un grand missionnaire », Les Annales coloniales, 31e année, n° 191, 23 décembre 1930, p. 2.

 

 

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