Depuis quelques années, la recherche en histoire de l’art comme les expositions des musées s’intéressent de plus en plus fréquemment à la place des femmes dans l’art et dans l’histoire de l’art. L’acquisition d’œuvres produites par des femmes fait, quant à elle, l’objet d’une politique partagée par les différents musées d’art.
Pour les expositions, il n’est que de rappeler, par exemple, l’accrochage thématique « elles@centrepompidou » du musée national d’art moderne , qui présentait en 2009-2011 pas moins de 350 œuvres de 150 artistes femmes, du début du 20e siècle à nos jours, ou encore, au musée d’Orsay et à l’Orangerie, les expositions « Félicie de Fauveau. L’amazone de la sculpture », en 2013, « Qui a peur des femmes photographes ? 1839 à 1945 », en 2015-2016, « Berthe Morisot (1841-1895) », en 2019.
En 2014, est fondée l’association Aware, acronyme de « Archives of Women Artists, Research and Exhibitions », qui promeut ou réhabilite la place des femmes dans l’histoire de l’art moderne et contemporain au moyen d’un centre de documentation, de publications et de prix.
En cette année 2021, les expositions continuent d’explorer cette voie, en attendant les expositions monographiques consacrées à Rosa Bonheur en 2022, au musée d’Orsay et au musée des beaux-arts de Bordeaux. Au musée national d’art moderne par exemple, l’exposition « Elles font l’abstraction » rappelle le rôle d’artistes femmes dans les pratiques artistiques (danse, photographie, arts décoratifs, etc.) qui voient émerger l’abstraction comme nouveau langage au XXe siècle.
Au musée du Luxembourg, se tient actuellement l’exposition « Peintres femmes, 1780 – 1830. Naissance d’un combat », qui « entend remettre en avant de nombreuses artistes, actives de la fin de l’Ancien Régime à la Restauration, célèbres en leur temps mais largement oubliées depuis. Ces peintres talentueuses ont développé des stratégies complexes et astucieuses pour pouvoir être reconnues comme des professionnelles et vivre de leur art. »
Plusieurs des œuvres d’art conservées à l’Académie nationale de médecine sont dues à des artistes femmes. Pour une part, leur moindre notoriété, et un long processus d’invisibilisation ont conduit à en occulter partiellement la mémoire. Le travail scientifique effectué pour préparer le Catalogue des peintures et des sculptures de l’Académie, a permis d’attribuer ou de réattribuer plusieurs de ces œuvres d’art à leur créatrice. Pour n’en prendre qu’un exemple parlant, la signature « B.de Goblain » avait été interprétée un temps comme « Baron de Goblain » alors qu’il s’agissait de « Bathilde Goblain ».
Parmi les peintres, on trouve désormais les noms de Caroline Commanville, Bathilde Goblain, Célestine Heussée, Marie-Louise Pinel, Josette-Marie Raynal et Joséphine Rullier et supposer celui de Marie-Adélaïde Ducluzeau ou de Marie-Victoire Jaquotot. Parmi les sculpteurs, on remarque le nom de Thérèse Caillaux comme celui de sa fille Anna Quinquaud, et ceux de Gabrielle Foivard, Alma Hemmerlé, et Viviane Tee.
Chez les artistes, femmes ou hommes d’ailleurs, le choix des sujets, des médecins, représentés dans les collections de l’Académie de médecine est rarement fortuit et peut trouver sa source dans les réseaux de sociabilité mondaine voire dans les relations amicales proches ou intra-familiales. Thérèse Caillaud est ainsi l’épouse de l’académicien Charles Eugène Quinquaud, et Anna Quinquaud est leur fille. Caroline Commanville est la nièce de Gustave Flaubert, lui-même le « protégé » du grand anatomiste Jules Cloquet.
Quant à l’académicien Pierre-Joseph Rullier, il doit son portrait à sa propre femme Joséphine Rullier ; sœur de la peintre sur porcelaine Marie-Adélaïde Ducluzeau, elle a été élève de l’atelier féminin de Jean-Baptiste Regnault, et a exposé au Salon entre 1812 et 1847 (voir à ce sujet la notice que lui consacre Sidonie Lemeux-Fraitot, Cat. 71 p. 381-383 du Catalogue des peintures et des sculptures de l’Académie nationale de médecine).
Enfin, un don tout particulièrement illustre l’intrication matrimoniale des milieux artistique et médical au XIXe siècle. L’impressionnante Épidémie d’Espagne, due à José Aparicio, est donnée à l’Académie par l’intermédiaire d’Hippolyte Larrey, au nom de sa cousine Marie Félicité vicomtesse de Manneville. Cette dernière est la petite-fille de la célèbre peintre Marie-Guillemine Benoist de qui elle tient le tableau quand son cousin Hippolyte est le fils de Marie-Élisabeth Laville-Leroux, sœur de Marie-Guillemine, et de Dominique-Jean Larrey.
Jérôme van Wijland
Informations pratiques :
Exposition « Peintres femmes, 1780 – 1830. Naissance d’un combat », musée du Luxembourg, Paris, du 19 mai au 25 juillet 2021
Exposition « Elles font l’abstraction », musée national d’art moderne, centre Pompidou, Paris, du 19 mai au 23 août 2021
Quelques bibliographies synthétiques sur les femmes artistes :
- site de la BnF : https://www.bnf.fr/sites/default/files/2018-11/biblio_art_femmes_site.pdf
- site de l’association Aware : https://awarewomenartists.com/bibliographie/
Références bibliographiques :
Jérôme van Wijland (dir.), Jérôme Farigoule (collab.), Dominique Lobstein (collab.), Académie nationale de médecine. Catalogue des peintures et des sculptures, Gand, éditions Snoeck, 2020.